Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/141

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Elle traverse bien des corps sans leur faire de mal, sans les endommager au passage, quand elle trouve des pores où coulent ses feux limpides. (6, 350) Mais un grand nombre se brisent, parce que les atomes de la foudre heurtent les atomes mêmes qui en maintiennent le tissu.

Elle dissout aisément l’airain, et fait tout à coup bouillonner l’or ; parce que, subtil assemblage de germes fins et lisses, elle n’a aucune peine à s’y glisser, et ne s’y glisse que pour détacher tous les nœuds et rompre tous les liens.

C’est surtout à l’automne, et quand la saison fleurie du printemps éclot, que la foudre ébranle le vaste palais du ciel, semé de brillantes étoiles, et le globe entier de la terre. (6, 360) Car l’hiver glacé manque de feu ; et les chaleurs amènent la défaillance des vents, qui épaississent moins le sombre corps des nues. Il faut donc que la température demeure suspendue entre ces deux extrêmes, pour que les mille causes du tonnerre se réunissent. Alors, en effet, l’orageuse incertitude de l’année mêle le froid et la chaleur, ces deux artisans nécessaires de la foudre, seuls capables de produire la discorde du monde, et ces immenses bouleversements où l’air furieux bouillonne de vents et de flammes. Les premiers feux joints aux dernières glaces, voilà ce que sont les jours de printemps : il est donc inévitable (6, 370) que ces deux natures opposées se combattent, et que des troubles en accompagnent le mélange. Le cercle des saisons unit encore les dernières chaleurs aux premiers froids, époque connue sous le nom d’automne ; et là encore les hivers, sont aux prises avec les étés dévorants. Aussi peut-on appeler ces temps les guerres de l’année ; et il n’est pas étonnant qu’alors la foudre éclate sans cesse, et que le déchaînement des orages bouleverse les cieux, puisque deux forces s’agitent en batailles incertaines, d’une part la flamme, de l’autre le vent, et l’eau des nues qui s’y mêle.

C’est là vraiment apercevoir l’essence même de la foudre, (6, 380) et démêler la cause de ses ravages : on ne le fait point, quand on va relire les vaines prédictions des Étrusques, quand on y cherche la trace d’une volonté secrète des immortels, quand on s’inquiète d’où part le feu ailé, où il se tourne ensuite, comment il franchit les enceintes, comment il en dérobe sa flamme victorieuse, et enfin quels maux amène le coup de la foudre tombée des cieux.

Si c’est Jupiter et les autres dieux qui ébranlent avec un horrible fracas les dômes étincelants du ciel, et qui dardent le feu au gré de leur caprice, (6, 390) pourquoi ne voit-on pas ceux qui ne savent point se garder du crime, la poitrine percée de leurs coups, exhaler leur flamme vengeresse, terrible leçon pour les mortels ? Pourquoi, au contraire, l’homme dont l’âme n’est chargée d’aucune bassesse, quoiqu’innocent, roule-t-il enlacé dans les nœuds de ces flammes, tout à coup saisi par le tourbillon du feu céleste ?

Pourquoi vont-ils assaillir des lieux solitaires, où ils se consument en efforts inutiles ? Est-ce pour accoutumer leurs bras et fortifier leurs mus-