Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/182

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pour me défier, un prix (toi-même tu l’avoueras) bien au-dessus du tien : ce sont deux coupes de hêtre que sculpta la main divine d’Alcimédon. Une vigne ciselée à l’entour y revêt gracieusement de ses souples rameaux les raisins épandus du pâle lierre. (3, 40) Dans le fond d’une de ces coupes est la figure de Conon : et quelle est donc l’autre ?… Dis-moi le nom de cet homme qui, par des lignes tracées, a décrit tout le globe de la terre habitée, a marqué le temps de la moisson, le temps propre à la charrue recourbée. Je n’ai pas encore approché ces vases de mes lèvres ; je les garde précieusement enfermés.

DAMÉTAS.

J’ai, comme toi, du même Alcimédon deux coupes, où il a fait s’entrelacer aux deux anses la molle acanthe : au fond, il a gravé l’image d’Orphée, que suivent les forêts émues : mes lèvres non plus n’en ont pas touché le bord ; et je les garde soigneusement. Mais, auprès de ma génisse, ces coupes ne valent pas qu’on les vante.

MÉNALQUE.

Tu ne m’échapperas pas aujourd’hui ; toutes les conditions que tu voudras, je les tiens. (3, 50) Que celui qui vient vers nous nous écoute seulement. C’est Palémon. Je saurai bien t’empêcher à jamais de provoquer qui que ce soit.

DAMÉTAS.

Allons, commence, si tu veux : je ne me ferai pas attendre. Je n’ai pas de juge à écarter. Toi, Palémon, notre voisin, il ne s’agit pas de peu de chose ; laisse-toi pénétrer par nos chants.

PALÉMON.

Chantez, enfants, puisque nous sommes assis sur l’herbe tendre. C’est le moment où les champs, les arbres, où tout enfante, où les forêts reverdissent, où l’année est la plus belle. Commence, Damétas ; toi, Ménalque, tu répondras. Vous chanterez tour à tour ; les Muses aiment les chants alternés.

DAMÉTAS.

(3, 60) Jupiter est le commencement de tout ; tout est plein de Jupiter. C’est par lui que nos champs sont fertiles ; il veut bien aimer mes vers.

MÉNALQUE.

Et moi je suis aimé de Phébus ; j’ai toujours des présents que je réserve à Phébus, le laurier, et l’hyacinthe suave et pourprée.

DAMÉTAS.

Galatée me jette une pomme, la folâtre jeune fille ! et fuit vers les saules ; et avant de se cacher, désire être vue.

MÉNALQUE.

Mais il vient de lui-même s’offrir à moi, mon Amyntas, ma flamme : Délie n’est pas maintenant plus connue de mes chiens.

DAMÉTAS.

J’ai des présents tout prêts pour ma Vénus : car j’ai remarqué un endroit où des ramiers ont fait leur nid.

MÉNALQUE.

(3, 70) J’ai cueilli (c’est tout ce que j’ai pu) dix pommes d’or choisies, je les ai envoyées au rustique enfant que j’aime : demain je lui en enverrai dix autres.

DAMÉTAS.

Ô que de mots tendres m’a souvent dits ma Galatée ! Vents, n’en portez-vous rien aux oreilles des dieux ?