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Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/185

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le nautonnier lui-même abandonnera la mer, et le pin navigateur n’ira plus échanger les richesses des climats divers ; toute terre produira tout. (4, 40) Le champ ne souffrira plus le soc, ni la vigne la faux, et le robuste laboureur affranchira ses taureaux du joug. La laine n’apprendra plus à feindre des couleurs empruntées : mais le bélier lui-même, paissant dans la prairie, teindra sa blanche toison des suaves couleurs de la pourpre ou du safran ; et les agneaux, tout en broutant l’herbe, se revêtiront d’une vive et naturelle écarlate. Filez, filez ces siècles heureux, ont dit à leurs légers fuseaux les Parques, toujours d’accord avec les immuables destins. Grandis donc pour ces magnifiques honneurs, cher enfant des dieux, glorieux rejeton de Jupiter ; les temps vont venir : (4, 50) vois le monde s’agiter sur son axe incliné ; vois la terre, les mers, les cieux profonds, vois comme tout tressaille de joie à l’approche de ce siècle fortuné. Oh ! s’il me restait d’une vie prolongée par les dieux quelques derniers jours, et assez de souffle encore pour chanter tes hauts faits, je ne me laisserais vaincre sur la lyre ni par le Thrace Orphée, ni par Linus, quoique Orphée ait pour mère Calliope, Linus le bel Apollon pour père. Pan lui-même, qu’admire l’Arcadie, s’il luttait avec moi devant elle, Pan lui-même s’avouerait vaincu devant l’Arcadie. (4, 60) Enfant, commence à connaître ta mère à son sourire : que de peines lui ont fait souffrir pour toi dix mois entiers ! Enfant, reconnais-la : le fils à qui ses parents n’ont point souri n’est digne ni d’approcher de la table d’un dieu, ni d’être admis au lit d’une déesse.






ÉCLOGUE V.
DAPHNIS.

MÉNALQUE, MOPSUS.

MÉNALQUE.

(5, 1) Pourquoi, Mopsus, puisque nous nous rencontrons ici, toi qui sais enfler le chalumeau léger, et moi chanter des vers, ne nous asseyons-nous pas au milieu de ces ormes, entremêlés de coudriers ?

MOPSUS.

Tu es le plus âgé de nous deux, Ménalque ; il est juste que je t’obéisse ; soit que nous nous reposions sous ces ombrages changeants que remuent les zéphyrs, soit que nous nous retirions plutôt dans cet antre. Vois comme la vigne sauvage y étale ses grappes éparses.

MENALQUE.

Sur nos montagnes le seul Amyntas te le disputerait pour le chant.

MOPSUS.

Lui ! ne voudrait-il pas l’emporter sur Phébus lui-même ?

MÉNALQUE.

(5, 10) Commence, Mopsus, et chante-nous ce que tu sais des amours de Phyllis, des louanges d’AIcon, ou de la querelle de Codrus : commence ; Tityre gardera nos chevreaux paissant dans la prairie.

MOPSUS.

J’ai d’autres vers que je gravai l’autre jour sur la verte écorce d’un hêtre, les chantant, les