Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/314

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main, il fatigue à la course les cerfs rapides ; échauffé, haletant, il semble respirer : soudain l’oiseau qui porte la foudre fond sur lui, et l’enlève entre ses serres. Les vieux gouverneurs de l’enfant tendent vainement les bras vers le ciel, et les chiens jettent aux vents des aboiements furieux. Mnesthée, que sa vigoureuse adresse avait porté à la seconde place, (5, 259) reçoit pour récompense une cuirasse tissue d’une triple maille d’or, ornement et défense à la fois : Énée vainqueur de Démolée la lui avait enlevée près du rapide Simoïs, au pied des hauts remparts d’Ilion. Phégée et Sagaris, deux esclaves, rassemblant pour la porter leurs robustes épaules, fléchissaient sous le poids de ses anneaux multipliés ; mais Démolée autrefois, léger sous cette énorme armure, poussait devant lui les Troyens dispersés. Pour troisième prix, Énée donne à Gyas deux grands bassins d’airain, deux coupes d’argent d’un travail parfait, et d’où ressortaient des figures en relief.

Déjà tous les prix étaient distribués, et, fiers de leurs trophées, les chefs marchaient la tête ceinte de bandelettes de pourpre, (5, 270) quand Sergeste, après s’être à grand’peine dégagé des funestes écueils, revint dépouillé d’un banc de ses rameurs, honteux, et ramenant au milieu des rires sa débile galère. Tel un serpent qu’une roue a surpris sur la montée d’un chemin et traversé de son cercle d’airain, ou qu’un voyageur a laissé tout meurtri sous le coup d’une pierre et demi-mort ; pour fuir il se tord en longs et impuissants replis. Terrible d’un côté, les yeux ardents, sa tête se dresse encore altière et sifflante ; mais de l’autre côté où la blessure interrompt le jeu des anneaux, il est arrêté ; et c’est en vain qu’il courbe et recourbe ses restes mutilés. (5, 280) Ainsi dégarnie de rames et attardée se traînait la galère ; elle navigue pourtant avec ses voiles, et, sous le vent qui les enfle, elle rentre dans le port. Énée, heureux de voir qu’il a sauvé son vaisseau et ramené ses compagnons, donne à Sergeste sa part des récompenses promises : c’est une jeune esclave Crétoise, Pholoé, savante dans les arts de Minerve, et mère de deux enfants à la mamelle.

Ce combat terminé, Énée se rendit dans une prairie qu’enfermaient de toutes parts des coteaux couronnés de forêts ; au milieu du vallon (5, 289) était un cirque naturel : le héros s’y transporte entouré de la foule des Troyens, et y prend sa place. Là il invite par de nobles encouragements tous ceux qui veulent lutter à la course, et il propose des prix. De tous côtés accourent et Troyens et Siciliens, et à leur tête Nisus et Euryale : Euryale, que distinguent sa beauté et les grâces de la verte jeunesse ; Nisus, sa pieuse tendresse pour le bel enfant. Après eux viennent Diorès, de la race royale de Priam ; Salius d’Acarnanie, patron de Tégée d’Arcadie ; (5, 300) enfin deux jeunes Siciliens, Hélymus et Panope, accoutumés à vivre dans les forêts, et compagnons assidus du vieil Aceste. Il en vint d’autres encore, dont l’oubli nous a caché les noms.

Enée les voyant rassemblés leur parla ainsi : « Écoutez, jeunes gens, et que vos cœurs joyeux s’ouvrent à mes paroles : nul de vous ne se re-