Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/419

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Capharée. Après cette grande guerre, les flots nous ont poussés de rivage en rivage : Ménélas est emporté, lointain exil, jusqu’aux colonnes de Protée ; Ulysse a vu les Cyclopes de l’Etna. Vous dirai-je Néoptolème et son règne d’un jour ? Idoménée et ses pénates bouleversés ? les Locriens jetés sur les rivages de la Libye ? Le chef lui-même des nobles enfants de la Grèce, Agamemnon a péri sur le seuil de son palais, par les mains de son exécrable épouse ; un infâme adultère est assis sur le trône du vainqueur de l’Asie. Et moi, les dieux ne m’ont-ils pas envié le bonheur de revoir ma patrie, (11, 270) une épouse désirée, et ma belle ville de Calydon ? Encore aujourd’hui d’horribles prodiges épouvantent mes yeux : j’ai vu mes compagnons perdus pour moi s’élancer sur des ailes à travers les airs ; je les vois (cruel supplice pour mon cœur) voler, oiseaux vagabonds, sur les bords des fleuves ; je les entends remplir les rochers de leurs cris lamentables. Je devais bien m’attendre à ces rigueurs du ciel, depuis ce jour où j’osai, insensé que j’étais, attaquer avec le fer les corps des immortels, et percer d’un trait sacrilège la main de Vénus. Non, ne me poussez pas à de tels combats ; non, plus de guerre avec les Troyens ! (11, 280) Depuis que Pergame est renversé, je ne me réjouis plus des maux que je leur ai causés ; je voudrais ne m’en plus souvenir. Ces présents que vous m’apportez des bords ausoniens : renvoyez-les à Énée. Nous nous sommes vus l’un et l’autre, fer contre fer, mains contre mains ; croyez-en mon expérience ; je sais quel guerrier c’est se dressant sous le bouclier ; je sais de quel bras foudroyant il lance le javelot. Si la terre de l’Ida eût porté deux héros comme lui, le Troyen serait venu à son tour jusqu’aux cités d’Inachus, et la Grèce pleurerait ses destins changés. Tout ce qui retarda sous les murs troyens l’heure fatale d’Ilion, tout ce qui arrêta la victoire des Grecs, c’est le bras d’Hector et d’Énée qui l’ont fait ; (11, 291) tous deux égaux par le courage et les hauts faits : mais Énée l’emportait par sa piété. Renouez donc alliance avec lui, à quelque prix que ce soit : mais gardez-vous d’engager vos armes avec les siennes". — Vous avez entendu, ô le meilleur des rois, la réponse de Diomède, et ce qu’il pense de cette guerre importante.» À peine Vénulus eut-il cessé de parler, qu’un frémissement confus se répandit dans toute l’assemblée tumultueuse : ainsi quand des rochers retardent le rapide courant d’un fleuve, il se fait un sourd murmure dans le gouffre obstrué, et les deux rives retentissent des éclats de l’onde refoulée.

(11, 300) Dès que les esprits se furent calmés, les voix tumultueuses tombèrent ; et le roi, après avoir invoqué les dieux, parla ainsi du haut de son trône : « Latins, j’aurais voulu et il aurait été plus à propos de délibérer sur ces grands intérêts avant que n’éclatât la guerre ; et ce n’est pas au moment où l’ennemi est sous nos murs, qu’il convient de tenir conseil. Nous faisons, citoyens, une guerre insensée aux enfants des dieux, à des hommes indomptables, que les combats ne lassent point, et qui, même vaincus, ne déposent pas le fer. Si vous avez attendu quelque secours des armes étoliennes, renoncez