Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/453

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POÉSIES DIVERSES.






LE MOUCHERON.

(1) Ces vers, Octave, c’est ma Thalie qui en se jouant les a modulés sur ses grêles pipeaux ; et, comme l’araignée, je n’ai fait qu’ourdir les premiers fils de ma trame légère. Qu’un moucheron soit le héros de ce poëme. Je veux qu’humble en ses accords, ma muse de jeux en jeux réponde à cette humble histoire ; je le veux, en dépit des envieux. Qui que tu sois qui t’apprêtes à blâmer ma muse et ses badinages, je te prédis que tu pèseras dans la postérité moins que mon moucheron, et seras plus léger de gloire. Plus tard, Octave, quand le temps aura mûri les fruits de mon génie, ma muse t’adressera de plus graves accents, (10) et limera pour toi des vers plus dignes de ton goût.

Le fils radieux de Latone et de Jupiter, et leur plus bel ornement, Phébus sera le commencement de ces vers qu’il inspire en souriant à la lyre qui le chante. Peut-être l’as-tu nourri dans ton sein maternel, Xanthe que baignent les flots épanchés du mont de la Chimère ; ou toi, forêt d’Astérie, ou toi, rocher du Parnasse, qui étends deçà et delà ton large front aux deux cornes, et qui vois bondir d’un pied liquide le flot sonore de Castalie. Vous donc qui embellissez les ondes de Piéros, venez, Naïades, aimables sœurs, et, frappant le sol en chœur, célébrez le dieu. (20) Et toi, sainte Palès, qui vois revenir à tes autels les douces prémices des travaux champêtres, daigne suivre le poëte à travers les espaces aériens des bois et des forêts verdoyantes. J’aime, ô déesse qui cultives ces clairières et ces antres, à porter là mes pas vagabonds.

Et toi, digne sujet de louanges pour la poésie, qui déjà se repose en toi, vénérable Octave, sois propice à mon œuvre. Cette page ne chante pas la guerre, n’inonde pas la terre phlégréenne du sang des Géants, ne jette pas les Lapithes contre l’épée des Centaures, ne brûle pas des feux de l’orient les tours d’Érechthée : (30) l’Athos percé, la vaste mer chargée de chaînes n’attendent plus de mon opuscule une célébrité tardive ; je ne redirai ni I’Hellespont battu par les pieds des chevaux, alors que la Grèce vit tremblante fondre de tous côtés sur elle les hordes des Perses. Non ; ma muse, que guide Phébus, se plaît à parcourir d’un vers léger la trame d’un poëme à l’abandon, et ne se joue qu’à une tâche accommodée à ses forces. Et toi, saint et vénérable adolescent, nul doute que ta gloire ne brille, d’âge en âge d’un éclat éternel, qu’un lieu de délices ne t’attende dans l’asile des justes ! Que ta vie (les dieux te le doivent), intacte et heureuse durant de longues années, (40) soit comme une douce lumière aux bons citoyens. Mais venons à notre sujet.

Le soleil aux traits de flamme avait percé de