Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/587

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de nouveau à ses premières impressions, et à la douce, à l’irrésistible passion qui l’entraîne. Tel l’Aquilon, d’abord brise légère, se joue au sommet des arbres qu’il ébranle à peine, et bientôt sévit avec fureur contre les nautoniers éperdus ; telle Médée exalte peu à peu son amour jusqu’à ses dernières fureurs. Parfois, détachant le collier de la déesse, qui s’y prête avec complaisance, elle adapte à son cou la parure dévorante, et l’or fatal ne l’a pas sitôt touchée qu’elle se sent défaillir : elle le rend enfin, moins éblouie par l’éclat des pierreries et du précieux métal dont il est formé, que brûlée par le feu qu’il répand, et accablée par le dieu qui la remplit tout entière. Un reste de pudeur errait sur ses joues enflammées : « Croyez-vous, dit-elle, ô ma sœur, que notre père tiendra sa promesse ? Comme il doit remercier les dieux de l’arrivée de cet étranger ! Mais combien durera donc encore cette affreuse mêlée ? Et que de périls il affronte pour une nation qu’il ne connaît pas ! » Elle parlait encore, que Junon la quitte, satisfaite de ce début, et sûre désormais du succès de sa perfidie.

Médée, de plus en plus hardie, s’avance sur le rempart, sans suivre sa sœur, sans la regarder même. Chaque fois que chefs et soldats, se pressant en foule, serrent Jason de plus près, que les traits pleuvent sur lui seul, tous ces traits, tous ces coups retombent sur elle : elle frémit en voyant Lexanor bander son arc ; mais la flèche, passant par-dessus la tête de Jason, va te frapper, ô Caïcus, condamnant au veuvage ton épouse infortunée, et étouffant dans la couche nuptiale l’espoir de votre maison.

Envoyé du roi des Parthes, Myracès, chargé d’or et de présents, était venu chez Éétès, pour contracter, au nom de son maître, une nouvelle alliance avec les Colchidiens : mais la Parque et l’attrait de la guerre qui s’alluma tout à coup retinrent le messager en Scythie. Il était là, suivi d’un nègre, impuissant eunuque, au visage efféminé et sans barbe. Lui, combattant assis sur des housses et entouré de carquois, tantôt poussait son char contre les bataillons ennemis, tantôt simulait une fuite et décochait ses flèches en se retournant. Une tiare, tissue de soie et d’émeraudes, ornement des rois de son pays, couvre sa tête ; de ses bras pendent de larges manches ; à son côté droit brille un cimeterre. Sa chaussure barbare dépasse de beaucoup la mesure de ses pieds. De telles dépouilles n’échappèrent pas longtemps aux regards de l’avide Syénès. Une flèche, lancée de sa main, perce aisément la peau de tigre tachetée de pourpre, qui couvre Myracès. Le sang du guerrier s’échappe avec la vie par cette ouverture ; sa tête tombe sur son arc brisé ; le sang inonde sa superbe chlamyde, baigne son visage, et salit sa belle chevelure, que parfumaient des essences de Saba, et que sa mère avait entrelacée de filigranes d’or. Comme un jeune olivier, planté dans un terrain que fécondent une douce température et des irrigations modérées, répond d’abord aux soins assidus, aux espérances du cultivateur, et montre sa tête couronnée