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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/239

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LIVRE QUATRIÈME

Dont le sommeil ne peut suspendre l’action,
Si l’âme n’est en proie à la confusion,
Si l’âme n’a quitté les membres ; non pas toute :
Car ce serait livrer la machine dissoute
Au froid mystérieux de la mort sans réveil ;
Car, pour y rallumer au sortir du sommeil
Le sentiment vital, il faut qu’un reste d’âme,
Comme un feu sous la cendre enfoui, dans la trame
Couve, prêt à jaillir de son foyer latent.

Mais quel travail secret trouble l’âme et détend
Tous les membres ? J’y viens. Mais toi, sois tout oreilles,
Et garde qu’au vent seul aient profité mes veilles !
D’abord les flots de l’air, universel séjour,
Puisqu’ils baignent le corps, en rasent le contour ;
Et leurs assauts fréquents ne manquent pas de force.
De là ce cuir, ces poils, membranes, soie, écorce,
Nacre, dont la plupart des êtres sont couverts.
960Les intimes replis ne sont pas moins ouverts
À l’air que tour à tour la gorge aspire et chasse.
Les chocs atteignent donc le fond et la surface
Et, par l’étroit chemin des pores déliés,
Vont se répercutant jusqu’aux germes premiers.
Et dans l’être progresse une sourde ruine
Qui bouleverse l’ordre élémentaire et mine
L’esprit comme le corps : l’âme, se disloquant,
S’échappe ou bien s’enferme ainsi que dans un camp ;
Le peu qui reste épars dans les membres, oublie
D’échanger des rapports que nul fil ne relie ;
La Nature a barré les passages. Atteint