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LIVRE CINQUIÈME

Qui lie à leurs déclins leurs renouvellements.
Et la terre, d’abord, songe qu’à tous moments
Les soleils assidus la rongent, que sans trêve
Le choc pressé des pas l’écorche et la soulève
En tourbillons poudreux, en nuages mouvants
Qu’éparpille dans l’air le caprice des vents ;
Compte ce qu’en limon la pluie en extravase,
Ce qu’en cède la rive au fleuve qui la rase.
À nourrir d’autres corps, tout corps décroît d’autant ;
280Ce qu’il donne, il le perd. Puis donc qu’il est constant
Que la terre est la mère et le tombeau des choses,
C’est le cours alterné de leurs métamorphoses
Qui vide et qui remplit ses flancs toujours ouverts.

De même pour les lacs, les sources et les mers.
La descente sans fin des torrents et des fleuves
Ne trahit-elle pas l’afflux d’eaux toujours neuves ?
Quels mots en diraient plus ? Mais les pertes de l’eau
La ramènent toujours, en somme, à son niveau.
À mesure enlevant tout ce qui surabonde,
Le fouet des aquilons rase les champs de l’onde,
Le soleil radieux attire et pompe au vol
Ce qui ne s’en va pas dans les pores du sol,
Filtre des éléments aqueux, où chaque source
Reprend incessamment de quoi fournir sa course
Sur la terrestre écorce et suivre sans tarir
La route qu’une fois son élan put s’ouvrir.

Et l’air ? Chaque heure en fait changer la trame entière.
Quels innombrables flux et reflux de matière