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DE LA NATURE DES CHOSES

Contraires, qui troublait, par le hasard des luttes,
Les distances, les chocs, les nœuds, les poids, les chutes
Et les concours, rompant l’accord des mouvements,
Ne pouvait dérober longtemps les éléments,
À la fatalité d’un ordre nécessaire.
Bientôt le ciel profond s’éloigna de la terre ;
L’eau vint se concentrer dans le lit de la mer ;
Et les feux épurés jaillirent vers l’éther.

En bloc central d’abord assemblés par leur masse,
Les corps les moins glissants, les plus lourds, prirent place,
Volontiers, au-dessous de ce qui fut le ciel.
480Et plus intime était le lien mutuel,
Plus sa force exprimait la substance de l’onde,
La lune, le soleil et les voûtes du monde,
Tous atomes ténus, ronds, polis, et d’un vol
Plus léger que ne sont les éléments du sol.
Dégagé le premier des mailles de la trame,
Jaillit l’éther, chargé des germes de la flamme,
Tirant à lui les feux dont il soutient l’essor.

Ainsi, quand le soleil baigne de pourpre et d’or
Ces perles du matin que son ardeur consume,
Les fleuves et les lacs exhalent une brume,
Et la terre elle-même au loin paraît fumer.
La vapeur se condense et monte et va fermer
D’un rideau nuageux la céleste étendue.
Ainsi, de toutes parts en tous sens épandue,
La matière subtile, autour des cieux jetant
Les réseaux condensés de son voile flottant,