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LIVRE CINQUIÈME

Ne peut, dans les deux cas, dépasser l’étendue
Qu’à sa forme éclatante assigne notre vue.
Car tout ce que l’on voit dans l’épaisseur de l’air
Est loin d’offrir aux yeux ce profil net et clair
Qui sur l’azur des nuits d’une ligne si ferme
Accuse le contour de l’orbe qu’il enferme.
Si j’en crois son éclat, la lune au front des cieux
Est telle que d’en bas nous la montrent nos yeux.

Enfin, puisque les feux qu’on aperçoit sur terre,
Si loin qu’ils soient de nous, semblent ne changer guère
Dans l’un ou l’autre sens, tant que distinctement
620L’œil peut les suivre et voir trembler leur flamboiement,
Jugeons ceux de l’éther par leur grandeur sensible ;
S’ils s’en écartent, c’est d’un fil imperceptible.

Faut-il nous étonner que l’astre radieux
Lance, étant si petit, un tel torrent de feux,
Qui pénètre de flamme et de lumière inonde
La terre et l’étendue ? Il se peut que le monde,
Pour les épancher mieux, assemble en ce contour
Tous les flots dispersés du grand fleuve du jour
Qui, filtrant à mesure en cette unique source,
D’un jet toujours accru s’élance et prend sa course.
Ainsi, baignant les prés, un mince filet d’eau
Peut inonder les champs d’un flux toujours nouveau.
Ainsi, faible au début, l’épanchement solaire
Échauffe tout entier l’espace qu’il éclaire.
Il suffit que l’air même à cet embrasement
Prête de proche en proche un docile aliment.