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DE LA NATURE DES CHOSES

Qui, les bras étendus devant tous les autels,
Du sang des animaux baigne les immortels
Et, lançant vœux sur vœux, baise le sol du temple.
C’est la sérénité du sage, qui contemple
D’un cœur égal et fort ce qui s’offre à ses yeux.

1260Heureux, lorsqu’à l’aspect des abîmes des cieux
De l’éther scintillant d’étoiles, de la voûte
Où les astres jumeaux font à jamais leur route,
Un souci que voilaient tous les maux d’ici-bas
Ne lève point la tête et ne demande pas
S’il est de puissants dieux qui gouvernent les choses
Et les astres d’argent ! L’ignorance des causes
Fausse l’esprit troublé par le doute. Comment
Imaginer la fin et le commencement ?
Jusques à quand pourra le monde en ses murailles
Contenir tous ces chocs qui minent ses entrailles ?
Ou plutôt, investi par le pouvoir divin
D’un éternel ressort contre un labeur sans fin,
Portera-t-il ainsi, charge démesurée,
L’effort, l’ébranlement de l’immense durée ?

Quel cœur n’est oppressé par la crainte des dieux,
Quel front ne fléchit pas sous l’effroi, lorsqu’aux cieux
Courent les roulements tristes de la tourmente,
Quand au loin, sous les coups du tonnerre fumante,
La terre tremble ? Alors, peuples et nations,
1280Sentant venir le temps des expiations,
Frissonnent, et les rois, que leur puissance enivre,
Cherchent quel noir forfait, quel blasphème, les livre,