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DE LA NATURE DES CHOSES

Ou bien, lorsque les vents fouillent le fond des mers,
740Le sable soulevé s’amoncelle en travers
Du fleuve. L’estuaire est barré. L’onde accrue,
Moins libre, cherche en vain dans le lit qui s’obstrue
La pente nécessaire à son écoulement.
Peut-être encor la source enfle subitement.
Le souffle étésien vers ces lointains parages
Pousse en les condensant les amas des nuages,
Et broie aux flancs des monts son pluvieux fardeau
Qui sous le poids s’écroule et crève en torrents d’eau.
Enfin l’ardent soleil, qui fait des cimes blanches
Descendre sur les champs la neige en avalanches,
Peut bien déterminer ces inondations
Que la Nubie envoie au sol des Pharaons.

Abordons maintenant ces lugubres cavernes,
Ces régions d’horreur, ces lacs, nommés Avernes
Parce que les oiseaux y sont frappés de mort.
En approchant ces lieux, l’aile perd son ressort ;
Inerte, brusquement sa voile se replie :
Et, comme insoucieux des rames qu’il oublie,
La tête appesantie et pendante, l’oiseau
760S’abat précipité sur la terre, ou dans l’eau,
Si l’Averne est un lac, comme celui de Cumes,
Au pied du mont Vésuve, où deux jets de bitumes
Versent les flots épais de leurs courants mortels.
Athènes, dans ses murs et proche des autels
D’où Pallas Tritonis sur l’acropole veille,
A le sien, que jamais ne franchit la corneille,
Même quand l’encens pur fume dans l’air, non pas