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DE LA NATURE DES CHOSES

Dans l’or et dans l’argent nous sentons leur passage
Quand le cratère plein glace ou brûle nos doigts.
À travers l’épaisseur des murs entrent les voix
Qui voltigent, l’odeur, le froid, la vapeur tiède
Du feu ; devant le feu, le fer lui-même cède,
Quand même une cuirasse enfermerait le corps.
La maladie aussi s’infiltre du dehors.
Quand de la terre au ciel la trombe emplit l’espace,
Brusquement suscitée, aussi vite elle passe.
Force est donc que partout des pores soient ouverts.

Mais tous les éléments dispersés dans les airs
Sur les différents corps diversement influent.
Ils conviennent aux uns, les autres les excluent.
Le soleil cuit la terre et la dessèche ; mais
980Il relâche la glace et, sur les hauts sommets,
Résout en eau l’amas de la neige hivernale ;
La cire à ses rayons s’amollit et s’étale.
S’il contracte les chairs et racornit la peau,
Le feu rend l’or liquide et fond l’airain. Si l’eau
Trempe au sortir du feu la lame refroidie,
Elle assouplit la peau par la chaleur raidie.
La feuille d’olivier semble au chevreau barbu
Un mets tout d’ambroisie et de nectar imbu,
Et rien n’est plus amer à des lèvres humaines.
Le pourceau craint, il fuit, l’odeur des marjolaines ;
Les parfums les plus doux sont pour lui des poisons,
Ces parfums par lesquels souvent nous renaissons.
La fange est à nos yeux une exécrable ordure ;
Elle semble au pourceau plus nette que l’eau pure ;