Aller au contenu

Page:Luigi - Le Don Quichotte montréalais sur sa rossinante, 1873.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 70 —

Si vous aviez assez d’intelligence pour ne pas tout confondre et tout embrouiller, vous sauriez que les papes n’ont condamné aucune forme de gouvernement. Ce qu’ils ont condamné et ce qu’ils condamneront toujours, en s’appuyât sur l’autorité de Dieu même, ce sont les faux principes sur lesquels on prétend faire reposer ces formes de gouvernement. Lorsqu’on n’est pas toqué, on voit cela comme par intuition. La vraie démocratie, la démocratie chrétienne, est, on peut dire, en pleine vigueur dans l’Église, car tout s’y fait pour le p]us grand bien des administrés ; mais, de là à dire que le peuple est souverain, il y a un abîme.

La souveraineté du peuple est un non-sens, une absurdité. Quelques considérations suffisent pour établir cette proposition. Si le peuple est souverain, il commande : il n’est pas possible qu’il en soit autrement. Mais à qui peut-il commander, en vertu de sa prétendue souveraineté ? À nul autre qu’à lui-même, c’est évident. Le voilà donc en même temps souverain et sujet ; souverain et sujet de lui-même, ce qui répugne au plus haut degré. Il faut être ignorant, comme on l’est à notre époque, pour avoir inventé cette bêtise de la souveraineté du peuple. Ce ne sont pas les nations du moyen-âge qui auraient consenti à s’humilier jusques là.

Quelles que soient les paroles flatteuses dont on régale le peuple pour le tromper et l’exploiter, une chose reste toujours vraie en théorie comme en pratique : c’est que le peuple n’exerce et n’exercera jamais le moindre acte de souveraineté. Il dépend toujours d’un pouvoir qui le domine. Au temps des élections, le peuple est un simple et vil instrument, un instrument intelligent qui désigne les personnages aux mains de qui sera confié l’exercice du pouvoir ; en accomplissant ce rôle, il est soumis à des lois nombreuses qu’il n’a nullement confectionnées et qui lui rappellent qu’il est loin, bien loin d’être souverain. Donc, mensonge, et mensonge de la pire espèce que ce prétendu principe de la souveraineté du peuple.

Je ne dis rien ici de la liberté de conscience et des cultes, car