Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/21

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paroles, la protection, la libéralité, constituent le devoir des sages. Chez la plupart des hommes, c’est la force qui domine ; mais les sages exercent la compassion envers leurs ennemis même. »[1]

Dans ces narrations étranges, l’homme et l’animal vivent ordinairement en communion de pensées et d’intérêts ; ils conversent ensemble, familièrement, ils sont amis, presque frères, et se rendent des services réciproques. Tel personnage se présente à nous successivement sous les formes les plus diverses ; comme le vieux Protée de la fable grecque, il est tour-à-tour homme, quadrupède, oiseau, poisson, flamme, arbre, fontaine ; — et il est peu de contes où le héros ne soit l’obligé d’un animal quelconque, depuis l’aigle et le lion, jusqu’au roitelet et à la fourmi ; depuis la baleine, jusqu’au moindre petit poisson. C’est un naturalisme sans bornes. Parmi tous les êtres de la création, je ne vois guère que le corbeau, le loup et le serpent ou le dragon qui ne soient pas sympathiques à l’homme et disposés à lui venir en aide. Dans la mythologie Scandinave, ces trois animaux symbolisent aussi la méchanceté et le mal. Le corbeau est une forme de Loki, principe du mal. Il mit au monde Hela (la Mort), le grand serpent qui fut jeté dans la mer, où il demeure plongé, entourant la terre de ses replis, — et le loup Fenris, principe destructeur, et qui dévora la lune.

Cette mansuétude envers les animaux et cette sympathie universelle pour tous les êtres créés me semblent provenir de la croyance à la métempsycose.

  1. — Savitri, — poésie héroïque, — Eichoff, — p. 673. —