Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

harmonieux qui jouent sans qu’on y touche ; il y a tout un monde de créatures ensorcelées, dont il faut briser le charme, pour les rappeler à la vie normale, etc…[1]. » —

J’ai souvent songé à recueillir toute cette littérature orale qui a charmé mon enfance, au foyer du manoir paternel, et aujourd’hui qu’il m’est donné de disposer d’un peu de loisir pour la réalisation de ce projet, je veux y consacrer mon temps et mes soins et y apporter toute la sincérité et l’exactitude désirables en pareille matière. Mon ambition serait, — toute proportion gardée et dans la mesure de mes forces, — de faire pour notre Basse-Bretagne ce que les deux Grimm ont fait pour l’Allemagne. Tous les soirs, je vais m’asseoir au foyer de la veillée, au coin de l’âtre enfumé des fermes et des manoirs bretons, et là, suivant l’usage et les formules antiques, les conteurs les plus renommés de chaque village étonnent et charment tour-à-tour mon esprit par les ressources infinies de l’imagination celtique, si féconde en merveilles, en magies et en enchantements de toute sorte. — Je recueille tout en breton, arrêtant souvent le conteur et lui faisant répéter certains passages, afin de reproduire avec une fidélité aussi rigoureuse que possible le mouvement, les nuances, la physionomie même de ses narrations. Rien de tout cela n’est à dédaigner dans les travaux de cette nature, et un chant, une tradition, un conte populaire n’ont de valeur réelle et d’importance historique ou philologique qu’autant qu’ils sont la reproduction exacte et sans modification d’aucune nature des chants et des récits du peuple. —

  1. — Contes des paysans et des pâtres slaves — page 402.