Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/30

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présent de vous aider aussi. Voyez donc comme il est fort et bien portant ! n’as-tu pas de bonté, fainéant, de rester ainsi à la charge de ta vieille mère ? — Tous les jours, c’était de semblables réprimandes, et tous les jours aussi ils rentraient, le soir, avec leur besace plus légère. Ce que voyant Allanic, il dit à sa mère : Je veux aller en France, mère (en breton : mont en Gall), pour essayer de gagner ma vie, et vous secourir à mon tour. — Godic éprouva du chagrin de la résolution de son fils ; mais elle comprit pourtant qu’elle ne pouvait le retenir toujours, et ne s’opposa pas à son départ.

Allanic partit donc, par un beau matin de printemps, emportant, au bout d’un bâton, un pain de seigle, avec six crêpes, et tout fier d’avoir dans sa poche six réaux (un franc cinquante centimes), que lui avait donnés sa mère. Il allait à l’aventure, à la grâce de Dieu. Vers midi, il remarqua sur le bord de la route qu’il suivait une fontaine à l’eau fraîche et limpide et ombragée par un bouquet d’arbres. Il s’y arrêta pour se reposer un peu, manger un morceau de pain, avec une crêpe, puis, poursuivre son chemin. Pendant qu’il était tout à son frugal repas, assis à l’ombre, un autre voyageur qui ne paraissait guère plus riche que lui, s’approcha aussi de la fontaine, pour se désaltérer. Allanic lui offrit une crêpe ; ils entrèrent en conversation et furent bien vite amis.

— Où allez-vous ainsi, camarade ? lui dit Allanic.

— Ma foi, je vais devant moi, et je n’en sais pas plus long. Et vous ?

— Moi, je vais en France, pour chercher à gagner ma vie.