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— Au milieu de tes yeux, je le sais, tu mens,
Tes habits sont lacés comme ceux d’une nourrice.

Et lui de mettre alors sa main sur sa poitrine,
Si bien que le lait en jaillit sur sa robe de satin…

Sonnez, mes sonneurs, sonnez une gavotte.
Afin que ma douce et moi nous la dansions sur la place.

— Seigneur Dieu, dit-elle, j’ai la fièvre,
Et je ne pourrais danser une gavotte.

— C’est là une fièvre appelée trantina,
Et ordinairement on est à deux à la trembler.

Ah ! retire-toi loin de là de devant mes yeux,
Ou je laverai, à l’instant, ma lance dans ton sang !

Et lui de se reculer de deux ou de trois pas,
Et de planter sa lance dans son côté…

— Sonnez, mes sonneurs, sonnez une gavotte
Ma douce est restée étendue tout de son long sur la place :

Ma douce est restée à se rouler dans son sang ;
Ce n’est pas de moi qu’elle devait se moquer !

Sonnez, mes sonneurs, sonnez un glas de deuil.
Puisqu’il est veuf, le prince de Kervenno !


Chanté par Marguerite Philippe
de Pluzunet [Côtes-du-Nord].


Il faut remarquer les différences qui existent entre ces deux versions, sous le rapport des noms propres surtout. Dans la première version, c’est un comte Guillou, (Guillaume de Poitou peut-être) qui est en scène, avec une demoiselle de Poitou. Dans la seconde version, le principal personnage, appelé tantôt COMTE, tantôt PRINCE DE KERVENNO, a pour fiancée une PRINCESSE LE GUILLOU. Il est difficile de ae guider à travers ces contradictions, et de fixer la question historique. — Quelques personnes, MM. De Penguern, et Kerambrun par exemple, substituent le COMTE DE GŒLO au COMTE GUILLOU, mais à tort, je crois, et sans motif plausible. Je laisse pourtant la question à décider aux historiens.

Dans une troisième version, que mon ami M. Sauvé a recueillie à Plouguerneau, dans le bas Léon, de la bouche d’une couturière nommée Marianne Le Bêr, il s’agit d’un jeune Prince qui, débarquant de dessus la mer profonde, demande un messager pour aller annoncer à sa maîtresse qu’il arrive pour l’épouser. Chemin faisant, le jeune prince rencontre sur une lande une jeune bergère qui lui dit : — « Arrêtez, prince, arrêtez votre haquennée, votre jolie maîtresse est mère ! » — Comme dans les deux versions précédentes, on essaye de le tromper, en lui présentant la jeune sœur de sa fiancée ; mais il ne donne pas dans le piège, et demande l’autre. Elle vient, confuse et l’air malade, et il l’invite à danser avec lui : — « Excusez-moi, prince, dit-elle, je ne puis danser, car depuis neuf mois, je suis malade de la fièvre quarte. » — Et le prince répond : — « Ne vous rappelez-vous pas m’avoir promis, dans votre chambre, que le premier de nous deux qui faillirait serait mis à mort ? À peine avait-il prononcé ces mots, qu’il lui trancha la tête d’un coup de sabre. — Sonnez, mes gens, sonnez de la trompette, puisque nous avons donné la mort à la Mademoiselle DÉLOYALE : Sonnez, mes gens, sonnez, de la trompette sur-le-champ, pour que nous reprenions le chemin de notre pays ! »

Le mot DIBŒLTRON du texte breton que j’ai traduit par DÉLOYALE, ne me semble pas breton, et ne rime pas du reste avec TROMPILLOU qui termine le vers précédent. Je croirais volontiers que DIMEZELL DIBŒLTRON est une altération pour — DIMEZELL A BŒTOU, DEMOISELLE DE POITOU ?