Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/111

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ne soit pas damnée à jamais ! J’aimerais mieux prendre sa place sur le siège maudit...

Le Seigneur fut touché, tant sa douleur était sincère, et il lui dit :

— À cause de ton amour pour ta mère, qui est grand et sincère, je ferai en ta faveur ce que je n’ai jamais fait pour nul autre, et si tu accomplis exactement la pénitence que je te donnerai, je t’accorderai sa grâce[1].

— Ah ! parlez, Seigneur ; il n’y a pas de pénitence si dure au monde que je ne sois disposé à accepter, pour sauver ma mère !

— Écoute donc bien, car voici à quelle condition je consens à t’accorder ce que tu demandes : on te mettra autour des reins une ceinture de fer, garnie de pointes aiguës en dedans, pour te déchirer la chair ; cette ceinture sera fermée par une petite clé que l’on jettera au fond de la mer, et tu la garderas sur ton corps, jusqu’à ce que cette clé soit retrouvée pour l’ouvrir. De plus, il te faudra vivre d’aumônes seulement, et tu ne parleras jamais à personne du supplice qui te tourmentera

  1. On sait qu’une des croyances favorites du moyen âge était la toute-puissance de la foi et de la pénitence finale.
    Un rapprochement curieux à faire, c’est celui de la seconde partie de ce conte avec la légende de saint Grégoire le Grand, dans le Gesta Ramanorum, chap. lxxix, page 197 de l’édition Jannet, Paris, 1858.