Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/220

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et reçoit tous les jours la visite de son bon ange, d’avoir à demander un service à un brigand comme moi, couvert de tous les crimes possibles, et qui est sur la route de l’enfer, comme il le dit fort bien ? Mais rassurez-vous, mon brave homme, car je ferai pour vous ce qu’il ne peut faire, lui. Écoutez-moi bien, et faites exactement comme je vous dirai, et vous pourrez réussir encore à avoir votre quittance de votre seigneur, qui ne valait guère mieux que moi, de son vivant. Retournez à la maison ; prenez une bouteille d’eau bénite au bénitier de l’église de votre village. Cherchez alors une jeune femme allaitant son premier enfant ; priez-la de vous remplir une burette du lait de ses seins. Faites-vous faire ensuite par un sellier un fouet de cuir, avec de nombreux nœuds et pesant dix-huit livres ; vous le ferez bénir par votre curé, puis vous reviendrez me trouver avec tout cela, et je vous dirai ce qu’il vous faudra faire ensuite.

Le fermier retourne chez lui ; il se procure facilement la bouteille d’eau bénite, le lait de jeune femme allaitant son premier enfant et le fouet de cuir pesant dix-huit livres, et il retourne avec tout cela chez le brigand. Celui-ci appelle alors un de ses serviteurs, qui était laid et noir comme un démon, et lui dit, en lui montrant Fanch Kerloho :

— Portez-moi cet homme en enfer.