Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/277

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— Dis-moi ce que tu as vu, et je t’en donnerai l’explication.

Et Laouik raconta tout ce qu’il avait vu, et son maître lui dit :

— La mer que tu as traversée représente le monde, où chacun doit faire son chemin, à ses risques et périls ; l’homme qui n’avait qu’un doigt dans le feu et qui criait si fort, ne pouvant l’en retirer, allait en enfer ; il était condamné, et rien ne pouvait le sauver du feu éternel ; son bras, puis tout son corps, devaient passer à la suite de son doigt ; l’homme qui, couché sur un lit de braise ardente, souriait, les yeux fixés au ciel, était dans le purgatoire, d’où il voyait Dieu, et cette vue seule suffisait pour l’empêcher de souffrir. Les vaches grasses, dans le pré aride, et les vaches maigres, dans le pré rempli d’herbe grasse et haute, représentent les pauvres contents de leur sort, et les riches avides et insatiables. Les deux rochers qui s’entrechoquaient si violemment, des deux côtés de la route, sont deux frères qui se détestaient et se battaient constamment sur la terre. Le chemin étroit et difficile et le pont élevé et glissant représentent le chemin du paradis. La belle promenade que tu vis ensuite et la belle vallée où tu t’arrêtas pour manger et boire sont le vestibule du paradis, et la nourriture et le breuvage que tu y as trouvés sont la nourriture et le breuvage de vie, qui t’empêcheront de mourir, c’est-à-dire d’aller en enfer. Il y a aujourd’hui cent deux ans que tu es parti d’ici pour entreprendre ton voyage, bien qu’il te semble qu’il n’a pas duré plus de huit jours. Ta mère est, depuis longtemps déjà, dans le paradis, et, dans quelques jours, tu iras l’y rejoindre. Et le vieux mendiant que tu as trouvé sur ton chemin, et avec qui tu as partagé ton pain, tu ne m’en as rien dit. Eh bien ! ce vieillard, c’était moi-même.

Laouik reconnut alors que son maître n’était autre que le bon Dieu lui-même. Il mourut aussitôt, et deux anges blancs descendirent du ciel, où ils emportèrent son corps.

Dans un autre conte breton de ma collection (Trégout-a-Baris), Jésus-Christ, voyageant en Basse-Bretagne avec saint