Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 2 1890.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aille lui porter un bouquet ;
Et, vers le soir, immanquablement,
L’homme rapporte le rouet.

Comme était sonné midi et demie,
Entre une fille, avec un panier,
(Dans l’appartement) où les filles filaient,
Pour remettre un bouquet à Anna,
Ainsi qu’une bouteille de vin,
(Et) quelque deux ou trois grappes de raisin.

La fille commence son discours,
En remettant ses présents ;
Mais Isabelle, quand elle a vu
À qui l’on donne le bouquet,
(Sent) la jalousie lui monter à la tête,
Et elle a parlé comme suit :

— Je crois que c’est pour agir vilainement
Qu’on donne ces choses à cette vilaine pièce,
Ou bien qu’elle les a fait venir ici
Pour nous faire bisquer.

Moi, j’ai fait en tout lieu mon devoir,
(Je suis) à même de le faire encore, à ton égard,
Et (j’ai) vécu dans l’honnêteté,
Aussi bien que toi, fille aux cheveux gris.

— C’est toi qui as toutes les bonnes qualités,
Ce qui n’empêche pas que personne ne regarde de ton côté,
Si ee n’est un lécheur de chopines,
Un mange-boutique, un freluquet,
Qui demeure là chez je ne sais qui,
Où, comme gage, on lui donne son pain (seulement).

— M’est avis que tu désires entendre
Parler de deux jambes cagneuses,
Ses cheveux (sont) couleur carotte.
M’est avis que c’est de celui-là
Que tu as eu ta bouteille de vin,
Tes bouquets et ton raisin.

— C’est qu’il a le moyen
D’acheter ce que bon lui semblera,
Et il n’emploie pas son argent,
Comme fait ton jeune galant,
À mener la vie de garçon et à s’ivrogner,
Sans avoir d’habits à revêtir.