Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 2 1890.djvu/225

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   Moi, ce n’est pas en dormant que je fais mes prouesses ;
J’ai passé cette nuit avec la fille du meunier,

   Et j’ai eu d’elle une chemise de toile fine,
Oui, et des crêpes lardées d’œufs et du lait caillé, à mon souper.

   — Jarni ! dit le meunier, tu es terriblement effronté,
Après ton forfait, — si ton dire est vrai, —

   Pour ma honte, dit-il, de me le venir encore conter, à moi !
(Mais) je vais avoir raison sur-le-champ de ton effronterie.

   La femme, qui était avec le laboureur, d’élever aussi la voix :
— Fi ! quoi donc ? dit-elle, frères, vous n’avez pas de honte ?

   — Comment ! dit le meunier, c’est là que tu es aussi, toi ?
Malheur à celui que j’attraperai, dussé-je y laisser la vie !...

   Il eût fallu voir le clerc et son frère laboureur,
Leurs hardes entre leurs bras, jouer des jambes, à travers la rivière,

   Et décamper tout nus, moins leurs chemises,
Sans chercher ni chapeau, ni bonnet, ni chaussures, ni bas.

   Point n’est besoin de demander ce que fit le meunier
A sa femme et à l’héritière, ni s’il les fit danser sans sonneurs.

   Il enrageait, le meunier, de voir qu’avait été
Le laboureur, cette nuit-là, au lit avec sa femme ;

   Encore paya-t-il bouteille, le pauvre cher meunier,
Pour obtenir leur silence, au clerc et à son frère laboureur.

   Du temps de sa première femme, il avait bonne réputation:
Personne n’aime à s’entendre appeler mouton (cornard[1] .)

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  1. Il existe sur le même sujet un fabliau français dont l’auteur de notre chanson semble s’être souvenu.