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LES MISÈRES DES GENS MARIÉS
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Grandement étonné je me trouve, à songer combien vite
Les jeunes filles quittent leur plaisir pour leur peine.
   Lasses elles sont d’être heureuses,
   Tant elles ont hâte de bercer ;
   Elles ne songent pas à la peine, au tracas
   Qu’a, hélas ! une nourrice.

(Écoutez parler) une jeune fille à marier, une fleur de lys,
_________________________________________ à l’entendre :

— Foin, dit-elle, de la jeunesse ! je ne puis durer davantage ;
   Je trouve la nuit longue et froide ;
   Quand je me réveille, je n’ai personne,
   La nuit, pour causer avec moi,
   Pour me faire passer mon chagrin. »

(Ailleurs) ce sera le jeune mineur qui contrariera ses parents :
   — Foin, dit-il, de la jeunesse ! il est temps de se marier ;
   Je perds de ma dignité,
   A rester ainsi en tutelle,
   Sans disposer de mes biens,
   Sans être mari et nourricier.

Au bout de neuf mois qu’il sera marié, ou quelque peu moins,
Le mari ira au lit, dans l’espoir d’y trouver du repos :
   Les douleurs (de l’enfantement) s’abattront sur le flanc
________________________________________ de sa femme,
   En sorte qu’il faudra qu’il aille en courant,
   Parce qu’il y a presse et affairement,
   Lui chercher un tire-bourre (une sage-femme).

Puis il ira près de son lit, lui frappera un coup sur son genou :
— « Lève-toi de là, vieille poison, et lève-toi pour soigner
________________________________________ton enfant,
   Ou, si tu ne le veux faire,
   Je lui cognerai la tête contre le mur,
   Plutôt que d’endurer autant
   De peine à cause d’un mauvais mioche !

— Depuis que je suis mariée,
   Gêne et chagrin ont été mon unique lot,
   Gêne et chagrin, de toute façon,
   Tant j’ai de regret, hélas ! à ma jeunesse !