Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/218

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je le tiens dans mes bras ! allume vite une chandelle et accours. Viens avec ton penn-baz ! Il a des cornes sur la tête ! Il est couvert de poils ! Il a des pieds fourchus ! C’est le diable ! le diable Béelzébud ! Arrive, vite ! arrive ! — Et je criais à tue-tête, ne sachant trop ce que je disais !

Quand Tugdual arriva au lit, avec sa chandelle et son penn-baz, quel spectacle s’offrit à ses yeux !… J’étais là, égaré, comme fou, les yeux me sortant de la tête, et, la frayeur (pourquoi le cacher) quintuplant mes forces, j’avais étouffé dans mes bras le monstre épouvantable qui faisait la terreur du pays !

Or, devinez ce que c’était ? Le monstre infernal c’était tout bonnement… un vieux bouc, qui, par un escalier peu fréquenté, montait toutes les nuits, de l’étable dans la chambre, puis, descendait dans la cuisine, où il trouvait toujours quelques miettes de pain autour de la table, et quelquefois des choux, des carottes, et des pommes de terre, au bas de la cuisine.

L’on ne parla plus du diable de Guernaham ; la tranquillité revint dans le vieux manoir, la servante dormit en paix dans son ancien lit, au bas de l’escalier, et l’on crut un peu moins aux éternelles histoires de lutins, de diable et de revenants, qui ne manquent jamais à nos veillées.

— Voilà, dit Julien, ou à peu près, comment s’expliqueraient toutes les sottes histoires