Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/53

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et détrempé. Hélas ! c’est le destin. Que deviennent les plus belles choses de ce monde, la verdure des bois et les fleurs des champs et des jardins ? Du fumier ! du fumier !… Mais, comme dit le poète :

    Puisque tout meurt ce soir, pour renaître demain,

— ne nous attristons pas trop et ne redoutons pas cette mort ou plutôt cette éclipse passagère. Le printemps reviendra, qui fera renaître la verdure des bois et les fleurs des champs et des prés, et l’homme aussi aura sa résurrection. « Tout change et rien ne périt » a dit Pythagore, il y a de cela bien longtemps.

Des bandes de corbeaux faméliques tournoyaient et croassaient au-dessus des champs, où le soc de la charrue, attelée de chevaux vigoureux, creusait lentement de profonds sillons, et des canards sauvages, au vol élevé, et disposés en angle aigu, se dirigeaient vers le nord. Tout présageait un hiver rigoureux.

Après le repas du soir, après les prières dites en commun, à haute voix, la veillée commença. Tout en séchant leurs habits mouillés, les laboureurs parlèrent d’abord d’apparitions et de revenants. C’est un thème inépuisable, dans nos campagnes bretonnes, et chacun a toujours à conter quelque histoire fantastique et merveilleuse, où il a joué un rôle, parfois, à moins qu’il ne la tienne de son père ou de sa grand’mère.

Moi, j’étais sur une escabelle de bois, au