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LES DERNIERS JOURS

Mais Apœcides, qui n’était pas encore préparé à renoncer à une croyance pour laquelle il avait déjà tant sacrifié, et qui se trouvait d’ailleurs sous l’empire des promesses de l’Égyptien, se dégagea avec force des mains d’Olynthus ; sentant de plus qu’il fallait un effort pour vaincre l’irrésolution que l’éloquence du chrétien commençait à produire dans son âme facilement émue, il releva vivement sa robe, et s’éloigna d’un pas rapide qui défiait toute poursuite.

Épuisé et presque sans haleine, il arriva enfin à un endroit écarté et solitaire de la ville, et ne s’arrêta que devant la maison isolée de l’Égyptien. Pendant qu’il se remettait un peu de sa course, la lune s’élança d’un nuage d’argent, et jeta une pleine lumière sur les murs de cette mystérieuse habitation. Il n’y avait aucune maison voisine : des vignes épaisses en entouraient le devant ; derrière s’élevaient de grands arbres, comme endormis sous les rayons mélancoliques de la lune ; au loin on apercevait les lignes vagues des montagnes à l’horizon, et parmi ces montagnes, la crête tranquille du Vésuve, moins élevée qu’elle ne paraît à présent aux yeux du voyageur.

Apœcides traversa les vignes courbées en berceau, et s’approcha du large et spacieux portique au devant duquel, des deux côtés des marches, reposait le sphinx égyptien. La lueur de la lune ajoutait encore un calme solennel à ces larges, harmonieuses, impassibles images, où les sculpteurs de ce symbole de la sagesse s’étudiaient à unir l’amabilité et la grandeur. A la moitié de la hauteur, et à l’extrémité du perron, s’étendait le vert et massif feuillage d’un aloès, et l’ombre du palmier oriental tombait des longues et immobiles branches de ce bel arbre sur le marbre de l’escalier.

La tranquillité du lieu et l’aspect étrange des sphinx avaient quelque chose d’effrayant, qui remplit l’âme du jeune prêtre d’une terreur superstitieuse et sans nom ; il eut plaisir à entendre le bruit de ses pas en montant sur le seuil.

Il frappa à la porte, au-dessus de laquelle était sculptée une inscription dont les caractères ne lui etaient pas familiers ; la porte s’ouvrit sans bruit, et un esclave égyptien de haute taille, sans le questionner et sans le saluer, lui fit signe d’avancer.

La vaste salle où il entrait était éclairée par de majestueux candélabres de bronze travaillé avec art ; les murs en étaient couverts d’hiéroglyphes en couleurs sombres et sévères, qui