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RIENZI.

— Sa Sainteté, s’écria le cardinal avec anxiété, veut-elle parler de Fra Moréal, le chevalier de Saint-Jean ?

— Justement, répondit le pape. Je redoute la vaste ambition de ce sauvage aventurier.

— Votre Sainteté n’a pas tort, dit sèchement le cardinal.

— Quelques-unes de ses lettres sont tombées dans les mains des serviteurs de l’Église ; les voici ici, lisez-les, mon fils. »

Albornoz prit ces lettres et les lut résolûment : cela fait, il les replaça sur la table et resta quelques instants silencieux et absorbé.

« Qu’en pensez-vous, mon fils ? dit enfin le pape d’un ton impatient et même un peu bourru.

— Je pense que Votre Sainteté, avec le génie ardent de Montréal et la froide scélératesse de Jean de Vico contre elle, pourra bien envier un jour, sinon le repos, au moins le revenu de sa chaire de professeur à Toulouse.

— Comment, cardinal ! dit précipitamment le pape, dont le front pâle se couvrit du rouge de la colère. Le cardinal poursuivit tranquillement :

— Ces lettres font voir que Montréal a écrit à tous les chefs des compagnies franches, d’un bout à l’autre de l’Italie, offrant à tout homme qui prendra rang sous sa bannière la plus haute paye du soldat unie au plus riche butin du brigand. Il faut qu’il médite de grands projets. Je connais l’homme !

— Bien, et notre ligne de conduite ?…

— Est claire et simple, dit le cardinal d’un ton fier, et avec des yeux où étincelait le feu sacré du soldat. Il n’y a pas un moment à perdre. Votre fils doit sur-le-champ se mettre en campagne. En avant la bannière de l’Église !