Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
RIENZI.

mandat pour accourir ici, s’il ne sacrifie pas le rôle de l’amant au devoir du soldat ! — Puisse ce billet trouver Walter de Montréal ! Ah ! il nous a envoyé un beau messager, mais je pardonnerai tout, tout pour un millier de lances. » Et pendant que ses mains tremblantes nouaient la soie autour de ses lettres, il ordonna à ses pages d’aller inviter à sa table, pour le lendemain, tous les seigneurs qui avaient été engagés avec lui dans les péripéties de la nuit précédente.

Les barons vinrent, bien plus irrités contre Rienzi pour son pardon humiliant que reconnaissants de cet acte de clémence. Leurs craintes s’unissaient à leur orgueil blessé, et les clameurs de la multitude, les lamentations des cordeliers retentissaient encore à leurs oreilles : aussi regardèrent-ils une résistance unanime comme le seul moyen qui leur restât pour protéger leur vie et venger leur injure.

À leurs yeux, le pardon public du tribun n’était qu’une manière de déguiser la vengeance privée qu’il méditait. Rienzi, disaient-ils, n’osait les détruire à la face du jour, mais sa clémence n’était qu’un moyen d’endormir leur vigilance en abaissant leur fierté, et toute espérance de sécurité leur était interdite maintenant que leur ennemi avait découvert leur crime. La main de l’assassin qu’ils avaient payé pouvait être armée contre eux, ou ils pouvaient être abattus isolément un par un, d’après la pratique ordinaire aux tyrans de cette époque. Chose assez singulière, ce fut Luca di Savelli qui poussa le plus ardemment à une rébellion immédiate. La crainte de la mort faisait du lâche un brave improvisé.

Incapables même de concevoir la romanesque générosité du tribun, les barons furent encore bien plus alarmés quand, le lendemain, Rienzi, les invitant un par un à une audience privée, leur présenta des cadeaux en les priant d’oublier le passé, et s’accusant lui-même plus