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RIENZI.

— Vous agissez sagement. Je connais sa manière de voir et son caractère ; il ne pourrait que nous nuire pour le moment. Cependant traitez-le bien, je vous prie ; il pourra plus tard nous être utile. Et maintenant, messeigneurs, j’ai la tête fatiguée, permettez-moi de me retirer. Je vous souhaite de bons rêves la révolution prochaine ?

— Avec votre permission, noble Montréal, nous vous conduirons à votre chambre à coucher, dit Luca di Savelli.

— Sur ma foi, vous n’en ferez rien. Je ne suis pas un tribun pour avoir des grands seigneurs en guise de pages, je suis un simple gentilhomme et un militaire endurci ; vos gens vont me conduire à la chambre, quelle qu’elle soit, que votre hospitalité destine à un homme qui sait dormir au besoin sous la haie la plus rude, à la clarté de votre beau firmament. »

Savelli, cependant, insista pour mener le futur podestat à son appartement. Puis il revint à Stefanello, qu’il trouva arpentant le salon à grands pas d’un air très-agité.

« Que venons-nous de faire, Savelli ? dit-il vivement : vendre notre ville à un barbare !

— Vendre ! dit Savelli ; à mon avis, dans le contrat, nous avons fait tout le contraire. Nous avons, non pas vendu, mais acheté. Nous avons acheté notre vie en la mettant à couvert grâce à cette armée ; acheté notre pouvoir, nos fortunes, nos châteaux en les délivrant du démagogue sénateur, acheté, ce qui vaut mieux que tout le reste, triomphe et vengeance. Fi donc, Colonna ! Ne voyez-vous pas que si nous eussions rebuté ce grand homme de guerre, nous étions perdus ? Alliée au sénateur, la Grande Compagnie eût marché sur Rome et, soit que Montréal assistât ou renversât Rienzi (car il m’a l’air d’un Romulus qui n’est point disposé à endurer un Rémus) nous n’en étions pas moins perdus. Au lieu de cela nous avons