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A.-F. HEROLD


est « dans une ville maritime, sur la côte de Malabar ». L’Amitié à l’épreuve se passe à Londres, mais Théroïne en est une jeune Indoue.

Je ne crois pas que, l’Alexandre-le-Grand, de Racine, excepté, on trouve, avant La Veuve du Malabar, une seule pièce française dont la scène soit dans l’lnde. Et encore peut-on affirmer, sans être téméraire, que l’Inde ne fut pour rien dans le choix que fit Racine du sujet d’Alexandre. C’est à Quinte-Curce qu’il emprunta la donnée de la tragédie ; la générosité d’Alexandre à regard de Porus avait frappé Racine : « Cette action d’Alexandre, dit-il, a passé pour une des plus belles que ce Prince ait faites en sa vie ». Porus et Taxile, Axiane et Cléofile n’intéressent Racine que par les rapports qu’ils ont avec le héros macédonien ; le hasard fait qu’ils règnent dans l’Inde ; mais, eussent-ils régné dans la Syrie ou dans la Perse, Racine n’en eût pas moins écrit sa pièce, qui est toute à la gloire d’Alexandre ; c’est un Grec que Racine a choisi pour héros, un Grec dont il ne pouvait connaître la vie que par des Grecs et par des Latins.

La manière dramatique de Lemierre rappelle fort celle de Voltaire. Le théâtre lui est prétexte à philosopher. Il cherche, parfois, à renouveler le décor et le costume tragiques : il écrivit, il est vrai, un Idoménée, un Térée et une Hypermnestre, mais il donna, outre La Veuve du Malabar, un Guillaume Tell, un Artaxerce, un Barnevelt. Il ne dédaigne pas la pompe scénique. Il aime les coups de théâtre. Ne nous étonnons pas qu’à une époque où l’on songeait fort à l’Inde, Lemierre se soit empressé d’y mettre la scène d’une tragédie. Le décor, le costume étaient nouveaux, et les mœurs religieuses des « Bramines » ne pouvaient-elles pas prêter une heureuse matière à des couplets philosophiques ?

Antoine-Marin Lemierre était né à Paris le 12 janvier 1733. Bien que sa famille fût pauvre, il fît des études classiques, et,