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même qui a fait rapporter le conte à la femme de Pépin ; mais cela paraît peu vraisemblable : le nom de Berte ne se trouve nulle part dans une version du conte étrangère à l'épopée fran- çaise, et rien ne nous autorise à faire remonter plus haut que la fin du XII siècle la mise en œuvre de ce conte comme épisode de la geste de Charlemagne '. Il est donc probable que c'est à une combinaison érudite qu'il faut attribuer le nom de Berte donné à T héroïne du conte quand on voulut le rattacher au roi Pépin.

Berte n'est pas (sans parler de la perfide « serve » qui la sup- plante pendant quelque temps) la seule femme que l'épopée donne à Pépin. Comme on l'a déjà vu, il est marié, dans les poèmes du cycle des Lorrains, à Blanchefleur, fille du roi Tierri de Maurienne. Les derniers poèmes du cycle se préoccupent de concilier les deux traditions : ils racontent que Blanchefleur mourut et fut enterrée à Saint-Victor de Paris, et que bientôt, Pépin ayant voulu se remarier, on lui amena de « Grifonie » sa nouvelle épouse, Berte, qu'il fallut rebaptiser parce qu'elle était schismatique, et qui s'appelait primitivement Baqueheut ^ Sans rapporter cette bizarre circonstance, Adenet, qui fait de Berte la fille de Floire et de Blanchefleur, roi et reine de Hon- grie, nous parle aussi , dans son préambule, de la première femme de Pépin et de sa mort. Les autres versions de l'histoire de Berte ne mentionnent pas le veuvage du roi de France.

La mort de Pépin, dans Mainet et dans diverses allusions qui se rapportent à ce poème, ainsi que dans la Berte d'Adenet, est attribuée au poison que les fils de la fausse Berte lui auraient donné pour venger leur mère 5. C'est un trait de pure inven-

��1. Je ne veux pas contester que la Berte de notre récit ait emprunté quelques traits à la Bertha mythologique (par exemple les grands pieds ou le pied plus grand que l'autre, l'habileté à filer, etc.) ; mais ces traits ne sont pas essentiels au récit (ils manquent dans le groupe allemand) et peuvent être venus s'annexer à notre Berte bien qu'ils appartinssent à une homonyme.

2. Voy. Feist, p. 42, et les manuscrits cités par E. Muret, Rom., XIV, 609. Le passage relatif à la mort de Blanchefleur se trouve une vingtaine de feuillets plus haut dans ces manuscrits.

3. Mainet, V, 90-93. Cf. Ren. de Montanlhin (Hiit. poct.de Charl., p. 231) Flor'huit et Florele, éd. F. Michel, v. 228.

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