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de m. tenon.

de quinze mois, il parlait couramment le latin, entendait passablement le grec, et fut en état de se distinguer dans la classe de philosophie. À la fin du cours, devenu à son tour professeur, il donna à son maître et à ses camarades quelques démonstrations d’anatomie qui venaient fort bien à la suite de la physique et qui furent tellement goûtées, qu’on l’engagea encore plusieurs années à venir les répéter, chaque hiver, dans le même collége.

Une campagne à l’armée de Flandres, en 1748, compléta son instruction chirurgicale, et n’affaiblit pas l’horreur que lui avait inspirée l’administration des hôpitaux. ; une contagion naquit du désordre, et lui-même en fut atte1nt, mais il reconnut son mal, et dicta, avant de perdre connaissance, le traitement qu’il voulait qu’on lui fît. On lui obéit, et il fut sauvé.

À peine guéri, il apprit que l’on venait de mettre au concours deux places de chirurgien principal dans les hôpitaux de Paris ; il commençait enfin à se sentir, et accourut se présenter, mais ce concours ne devait être qu’une forme : La Martinière, devenu premier chirurgien, avait dicté d’avance l’un des choix en faveur d’un protégé de M. de Beaumont, l’archevêque de Paris. On interrogea donc légèrement les premiers concurrens, qui répondirent non moins légèrement. Quand le tour de M. Tenon fut venu, il demanda la permission de dire d’abord quelques mots sur les questions adressées à ceux qui avaient paru avant lui. Il traita à fonds ce que chacun d’eux n’avait fait qu’effleurer, et répondit ensuite, avec la même profondeur et la même étendue, à ce qui lui avait été demandé à lui-même.

Il n’y eut protection qui tînt contre une pareille épreuve. M. Tenon fut nommé tout d’une voix à la place de la salpétrière. L’archevêque et le premier chirurgien, en lui avouant qu’ils en avaient désiré un autre, se félicitèrent de n’avoir pas réussi ; et il conserva depuis lors l’estime et la protection de tous les deux.

L’établissement où il venait d’entrer lui rendait cette protection bien nécessaire.