Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/188

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Mais admettez que plusieurs siècles soient à la place de ces quelques années, l’altération dans la forme des corps organisés est profonde et rendue plus fixe[1]. Ainsi pour la terre,

  1. Le sentiment public se plaît pour tous les cas d’un retour fréquent à admettre certains axiomes, dans le nombre desquels il faut ranger la proposition que les formes animales sont modifiables. Ainsi Bacon, dans son Nova atlantis, recommande de tenter la métamorphose des organes, et de rechercher expérimentalement, en les faisant varier elles-mêmes, comment les espèces se sont diversifiées et multipliées. Pascal croit aussi que les êtres animés n’étaient, dans leur principe, que des individus informes et ambigus, dont les circonstances permanentes, au milieu desquelles ils vivaient, ont décidé originairement la constitution. C’est encore la pensée de Goëthe, dont le vaste génie en fait vers 1790 une application suivie à la métamorphose des plantes. De Lamarck médite ces vues et essaie de leur donner une forme précise dans le chapitre de sa Philosophie zoologique, où il traite de l’influence des circonstances sur les actions et les habitudes des animaux, et de celle des actions et des habitudes des corps vivants comme causes qui modifient l’organisation de leurs parties. Plus tard, dans ses Considérations générales sur les mammifères, mon fils (Isid. G.S.H.) donne un résumé de nos connaissances à ce sujet, quand il établit que les variétés nombreuses du bœuf, du cheval, du porc, de la chèvre et du chien sont un produit de la domesticité, dans ce sens qu’elles se sont développées sous l’action lente, mais continue, d’un système de résistances conditionnelles. Et enfin M. le docteur Roulin dans un Mémoire sur quelques changements observés dans les animaux domestiques transportés de l’ancien monde dans le nouveau continent, montre qu’il s’est emparé avec sagacité d’une sorte d’expérience pratiquée en grand par la nature ; expérience fortuite que rapportent les fastes historiques. Plusieurs de nos animaux domestiques transportés en Amérique y ont été rendus à la vie sauvage : M. Roulin a examiné ce fait sous un point de vue physiologique, et il a effectivement vérifié pendant un séjour prolongé dans la Colombie, que, la servitude étant rompue, de nouvelles habitudes d’indépendance avaient fait remonter les