Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/248

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Des faits, même très industrieusement façonnés par une observation intelligente, ne peuvent jamais valoir, à l’égard de l’édifice des sciences, s’ils restent isolés, qu’à titre de matériaux plus ou moins heureusement amenés à pied d’œuvre. Or comme on ne saurait porter trop de lumière sur cette thèse, je ne craindrai pas d’employer le secours de la parabole suivante :

« Paul a le desir et les moyens de se procurer toutes les jouissances de la vie : il est intelligent, inventif, et il s’est appliqué à rechercher et à rassembler ce qu’il suppose lui devoir être nécessaire. Il approvisionne son cellier des meilleurs vins ; il remplit son bûcher de tout le bois que réclamera son chauffage : il agit avec le même discernement pour tous les autres objets de sa consommation probable. Les qualités sont bien choisies, les objets habilement rangés, et un ordre savant règne partout. Mais arrivé là, Paul s’arrête. De ce vin, il ne boira pas ; de ce bois, il ne se chauffera pas ; de toutes les autres pièces de son mobilier, il n’usera pas. = Mais, me direz-vous , votre Paul est un fou. = Je l’accorde. »

Gardons-nous cependant d’une entière application. Toutefois, que dire d’un savant qui déclare s’en tenir à la production, ou à la bonne disposition de faits positifs ? S’il ne se plaît qu’à bien élaborer ses matériaux et qu’à les livrer parfaitement façonnés, pour être un jour employés, il renonce à ce qu’il y a de plus vif, de plus enivrant, et de plus profondément philosophique dans la vie des sciences. C’est ne vouloir jouer que le rôle d’un habile appareilleur ; c’est, en manifestant bien peu de confiance en soi, vraiment craindre de se hasarder dans les conceptions de l’architecte.

Qu’enfin, vous préfériez demeurer dans l’utilité d’un très-