Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 22.djvu/77

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tracer, dès l’ère fructidorienne, une ligne de démarcation tranchée entre l’homme politique et l’homme d’étude. Sous la régence, dans l’affaire de l’abbé de Saint-Pierre, Fontenelle avait déjà, par une boule courageuse, protesté contre cette prétention de tous les pouvoirs, de confondre ce que l’intérêt des sciences, des lettres, des arts, commande de tenir éternellement séparé. Si en l’an V de la République cinquante-trois votants avaient eu la hardiesse d’imiter Fontenelle, l’Institut n’eût pas subi, sous la Restauration, des mutilations cruelles ; privés de l’appui que leur donnaient de fâcheux précédents, plusieurs ministres n’auraient certainement pas eu l’inqualifiable pensée de créer à Paris une Académie des sciences sans Monge, une Académie des beaux-arts sans David !

Vous êtes étonnés, sans doute, que je n’aie pas encore fait connaître le nom du personnage qui succéda à Carnot dans la première classe de l’Institut ; eh ! Messieurs, c’est que j’ai reculé, tant que je l’ai pu, devant un devoir pénible. Quand il procédait au remplacement d’un de ses fondateurs, d’un de ses membres les plus illustres, l’Institut obéissait, du moins, à une loi formelle rendue par les pouvoirs de l’État ; mais est-il, je vous le demande, aucune considération au monde qui doive faire accepter la dépouille académique d’un savant victime de la rage des partis, et cela surtout lorsqu’on se nomme le général Bonaparte ? Comme, vous tous, Messieurs, je me suis souvent abandonné à un juste sentiment d’orgueil en voyant les admirables proclamations de l’armée d’Orient signées : le membre de l’Institut, général en chef ; mais un serrement de coeur suivait ce premier mouvement, lorsqu’il me revenait à la pensée que le membre de