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LV
DE JEAN-BAPTISTE DUMAS

vêtu habit bien barbeau à boutons de métal, gilet blanc, culotte nankin, bottes à revers. Évidemment un étranger de distinction. Vite il passe sa redingote, s’excuse, offre l’unique chaise qu’il possède. « Ne vous dérangez pas davantage, dit l’arrivant ; je suis Alexandre de Humboldt et je n’ai pas voulu passer par Genève sans me donner le plaisir de vous voir. Je vais au Congrès de Vérone ; pendant les quelques jours que j’ai à séjourner ici, voulez-vous être mon cicérone ? Je vous avertis toutefois que mes courses commencent de bonne heure et finissent tard. Pouvez-vous être à ma disposition de six heures du matin à minuit ? » Acceptée avec joie, naturellement, cette proposition fut pour Dumas une source de plaisirs inattendus. Humboldt se plaisait à parler et aimait à être écouté. Son jeune guide fut frappé notamment de ce qu’il lui disait de la vie parisienne, de ses facilités de travail, de l’heureuse collaboration des hommes de science. C’était tout un monde nouveau qui s’ouvrait à son esprit ; il était sous le charme. Aussi, après le départ de « l’irrésistible enchanteur », comme il l’appelle, Genève lui parut vide et, au bout de quelques jours de réflexion, sa résolution fut prise il irait à Paris.


III.


Il y arriva vers la fin de 1822, précédé par la jeune réputation due à ses beaux travaux physiologiques. Si le légitime désir d’étendre ses relations parmi les hommes de science de son temps l’avait poussé à quitter Genève, il fut satisfait au delà de toute espérance. Rien n’égale, en effet, la bienveillance avec laquelle il fut accueilli par des hommes comme Alexandre Brongniart, Arago, Laplace, Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Ampère, Thénard, tous savants illustres vers lesquels il n’avait jusqu’alors levé les yeux qu’avec respect et vénération. « Vous avez bien compris, Monsieur, a dit Pasteur recevant Joseph Bertrand à l’Académie française, ce que pouvait être pour Dumas la vision