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LIX
DE JEAN-BAPTISTE DUMAS

tinguant de l’alcool de vin et de l’alcool de bois par un multiple de la quantité de carbone et d’hydrogène qui les distingue l’un de l’autre. Enfin, sur ses conseils, son préparateur Cahours étudie l’huile de pomme de terre et en extrait un quatrième alcool, l’alcool amylique, occupant une place intermédiaire entre l’alcool de vin et l’alcool de blanc de baleine. La famille des alcools était fondée. Avec une rare perspicacité, il prévoit, dès cette époque, l’importance de cette classe de composés. « Découvrir ou caractériser un corps comme alcool, écrit-il, c’est enrichir la Chimie organique d’une série de produits analogue à celle que représente en Chimie minérale la découverte d’un métal nouveau. »

Le 13 janvier 1835 est une journée inoubliable dans l’histoire de la Chimie organique. Dumas lit à l’Académie un Mémoire où il démontre que « le chlore possède le pouvoir singulier de s’emparer de l’hydrogène et de le remplacer atome par atome » et il établit la règle suivante « Quand un corps hydrogéné est soumis à l’action déshydrogénante du chlore, du brome, de l’iode, de l’oxygène, etc., pour chaque atome d’hydrogène qu’il perd il gagne un atome de chlore, de bromè, d’iode ou un demi-atome d’oxygène. » C’est le premier énoncé de la loi dite des substitutions, dont la démonstration de plus en plus complète, achevée par la belle découverte de l’acide chloracétique en 1839, l’a occupé pendant nombre d’années, et qui, aboutissant enfin à la théorie des types, est la partie capitale de son œuvre chimique.

À cette époque, dit Pasteur en 1885, la Chimie organique « se trouvait entraînée dans les conceptions de Lavoisier, fortifiées par les travaux de Berzélius et consacrées par les théories électriques. Le dualisme était partout, c’est-à-dire que partout les espèces chimiques, même les plus complexes, semblaient pouvoir se ramener à un antagonisme de deux substances simples ou elles-mêmes déjà composées. Dumas déclara qu’il était d’une opinion entièrement différente. Il envisageait les espèces chimiques comme des édifices moléculaires