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NOTICE SUR LA VIE ET LES TRAVAUX

la tradition ! La nymphe de la Seine plaisait aux Pharisiens. Ils oubliaient complaisâmment que, sous les ponts de la Cité, elle recevrait volontiers de compromettantes visites. Dumas montrait bien, chiffres eu main, que chaque trente mètres cubes d’eau de fleuve en recevait un d’eau d’égout ; on pérorait, on pointillait, on hésitait, ou invoquait l’usage immémorial. C’est alors qu’il eut l’idée d’une démonstration topique. Il fit remplir deux grands flacons semblables de dix litres d’eau du fleuve et de dix litres d’eau de la Dhuis, les fit sceller et mettre sous clef. Un mois après, il déposait ces deux témoins sur la table des délibérations du Conseil. L’eau de Seine était devenue verdâtre, marécageuse, puante ; c’est ce qu’on proposait de faire boire aux Parisiens. L’eau de source était restée claire, limpide, agréable. La Commission municipale comprit enfin cette leçon de Chimie à sa portée, le projet Belgrand fut adopté et la vie de milliers d’hommes épargnée, grâce à cette heureuse inspiration. »

Dans le même temps et avec la même ardeur, il défendait la mémoire de Lavoisier, l’invention de Leblanc, la découverte de Daguerre. Il encourageait et soutenait les recherches de Pasteur, qui s’est plu en toute circonstance à reconnaître ce qu’ildevait a son chaleureux appui. « Une approhation de lui, disait-il en 1885, me payait de toutes mes peines. Ce qu’il fit pour moi, il le nt pour tant d’autres 1 Il avait l’esprit ouvert à tout homme et à toute œuvre… C’était là l’un des traits distinctifs de sa nature. Derrière les individus, il a toujours envisagé la France et sa grandeur. Comme il avait au plus haut degré la conscience des services rendus, soit par les hommes, soit par les institutions, il était toujours prêt à les défendre de son intelligence et de son cœur. A la moindre alerte, il avait l’instinct du danger et de ce qu’il fallait faire pour le déjouer ». On le vit bien le jour où le Muséum d’Histoire naturelle fut à la veille d’être atteint par ce que l’Administration, par un de ses euphémismes habituels, appelait un projet de réorganisation. Sentant que la personnalité morale de ce grand établissement pouvait