Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 52.djvu/136

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à sortir, à se promener, à s’amuser, et ses études n’en souffraient pas.

On a déjà remarqué plus d’une fois qu’il était distrait ; il l’était sans doute, comme tous ceux qui se laissent absorber par leurs pensées ; cela ne l’empêchait pas, lorsqu’il le voulait, de fixer son attention sur un sujet donné, aussi longtemps qu’il était nécessaire. Une de ses distractions habituelles consistait à ne pas savoir si, oui ou non, il avait déjeuné. Un jour, à l’âge de 7 à 8 ans, en marchant dans la rue du Ruisseau, qui longeait un ruisseau à découvert, coupé ça et là par de petits ponts, il oublia de traverser en même temps que sa mère et sa sœur ; il continua son chemin sur l’autre rive ; mais, dès qu’il s’en aperçut, il les rejoignit en ligne droite, en plongeant dans l’eau jusqu’à la ceinture.

C’est lorsqu’il était en quatrième que se dessina sa vocation pour les Mathématiques. À partir de ce moment, cette vocation ne fit que grandir et devint de plus en plus impérieuse et absorbante. Pourtant il poursuivit jusqu’au bout, avec le même succès, ses études classiques. Nous avons là-dessus le témoignage d’un de ses professeurs d’alors, M. de Roche du Teilloy, aujourd’hui Secrétaire général de l’Association amicale des anciens élèves des lycées de Nancy, Metz, Strasbourg et Colmar.


Qu’il m’est doux, écrit-il dans l’Annuaire de cette Association pour 1912, de louer Henri Poincaré, que j’ai si bien connu et tant aimé, qui devenait mon ami quand il était encore mon élève. Comme je comprenais l’admiration qu’inspirait à Voltaire finissant le jeune sage Vauvenargues.

Pendant la guerre de 1870, alors que, le professeur étant enfermé dans Paris, je fus, jusqu’à Pâques, chargé d’une partie de la Rhétorique aux élèves du lycée de Nancy, je fis enfin connaissance de Henri Poincaré. Quel élève supérieur et original. Un jour que je lui avais proposé comme sujet de composition préparatoire au baccalauréat ès lettres les différences entre l’homme et l’animal, après m’avoir lu son travail, jeté sur de petits morceaux de papier de tous formats, il me demanda quelle note probable il obtiendrait à l’examen ; je lui répondis que je ne saurais le dire, très bonne ou médiocre, que c’était trop personnel, trop original, trop osé, trop fort même pour un candidat au baccalauréat. Désirant conserver cette étude si curieuse, je lui fis promettre de me la copier ; sa modestie ne lui permit pas de tenir parole. D’ailleurs au