Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 52.djvu/180

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et deviennent de plus en plus petits. Les pas qu’ils font sont donc aussi de plus en plus petits ; de sorte qu’ils ne peuvent jamais atteindre la sphère limite.

Je ferai encore une autre hypothèse, je supposerai que la lumière traverse des milieux diversement réfringents, et de telle sorte que l’indice de réfraction soit inversement proportionnel à Il est aisé de voir que, dans ces conditions, les rayons lumineux ne seront pas rectilignes, mais circulaires.


Dans le milieu ainsi imaginé par Poincaré, les êtres fictifs dont il nous parle, s’ils faisaient de la géométrie, adopteraient la géométrie non euclidienne. Les lignes droites, les rayons lumineux de la géométrie ordinaire, seraient remplacés par des cercles orthogonaux à la sphère limite, les plans par des sphères orthogonales à cette même sphère.

Ces constatations conduisirent Poincaré à réfléchir sur les bases de la Géométrie et sur les axiomes qu’elle emploie. Pour lui, les axiomes ne sont pas autre chose que des conventions, je préférerais dire des définitions plus ou moins complètes, des éléments idéaux que notre imagination construit en s’appuyant sur l’expérience.

Les démonstrations que nous venons de rappeler montraient avec la dernière évidence qu’on peut ramener, l’une à l’autre, les deux géométries euclidienne et non euclidienne, et qu’il ne peut se révéler dans le développement de l’une d’elles aucune contradiction qui n’existe aussi dans l’autre. Mais alors surgissait nécessairement une autre question. Puisque nous employons en Géométrie des éléments qui, bien que suggérés par l’expérience, sont des créations de notre esprit, qui pourra nous assurer que nous ne sommes pas égarés et que le développement logique de nos conceptions ne finira pas par nous conduire à des résultats contradictoires. Toute difficulté à cet égard me paraît levée par le mémorable travail que M. Hilbert a consacré à l’ensemble de nos axiomes géométriques[1].

  1. Poincaré fut amené en 1904 à faire un rapport sur les études de M. Hilbert, qui ont valu à ce géomètre pénétrant la médaille Lobatschefski, décernée par la Société physico-mathématique de Kazan.