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XXIV

foie, dans les veines sus-hépatiques, il en renferme toujours davantage : l’excès ne peut provenir que du foie. Bien mieux, nourrissant pendant un temps plus ou moins long un chien exclusivement avec de la viande, aliment dont la digestion ne peut donner naissance à du glucose, il constate que le sang, de la veine porte, avant le foie, est absolument privé de glucose, tandis que celui des veines sus-hépatiques, après le foie, en est abondamment pourvu ici, le glucose provient bien tout entier du foie. Le foie fabrique donc incessamment du glucose, qu’il déverse dans le sang : c’est sa fonction glycogénique, ou, comme on dit aussi, la glycogénie hépatique.

Cette découverte produisit sur le monde savant une grande impression. Ce fut d’abord de la surprise. Le foie ayant déjà une fonction bien connue, celle de sécréter la bile, personne ne pouvait songer à lui en attribuer une, seconde. Puis vint la contradiction. Du coup se trouvait, en effet, renversée la barrière traditionnelle élevée jusqu’alors entre le règne animal et le règne végétal ; on enseignait partout, c’était un dogme, qu’aux végétaux seuls il appartient de produire des principes immédiats, les animaux ne faisant que se les assimiler et les détruire. En montrant que, tout aussi bien que.la plante, l’animal produit du glucose, Bernard posait un premier jalon dans la voie qu’il devait reprendre et poursuivre plus tard, pour être à la fin conduit par elle à la conception de la Physiologie générale.

Aussi d’ardentes polémiques lui furent-elles suscitées de toutes parts, à la fois par les physiologistes, les chimistes et les médecins. « Elles rendirent au maître, dit Paul Bert, ce service de l’attacher avec plus d’ardeur encore à la défense de la vérité découverte. Il eut à lutter d’abord contre ceux qui, s’appuyant sur l’antique théorie de la séparation des deux règnes, déclaraient « qu’il leur répugnait de voir les animaux produire ce que peuvent leur fournir en abondance les végétaux, et le produire pour le détruire aussitôt ». À quoi Claude Bernard répondait spirituellement « Il me répugne, à moi, d’admettre que les animaux,