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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Telle était la situation des affaires lorsque je quittai Paris pour me rendre à Londres. En ma qualité de chroniqueur des petites circonstances, il me revient à l’esprit ce qui se passa devant moi le jour où j’allai prendre congé de madame la duchesse d’Orléans douairière. Je la trouvai très préoccupée et fort agitée dans l’attente du marquis de Rivière. Il partait le lendemain pour son ambassade de Constantinople. La princesse lui avait écrit deux fois dans la matinée pour s’assurer sa visite. Monsieur de Rivière, mandé chez le Roi, ne pouvait disposer de lui-même. Sa femme était là, promettant à madame la duchesse d’Orléans qu’il viendrait dès qu’il sortirait des Tuileries, sans pouvoir calmer son anxiété. Enfin il arriva. La joie que causa sa présence fut égale à l’impatience avec laquelle il était attendu.

La princesse expliqua qu’elle avait un très grand service à lui demander : monsieur de Follemont prenait du café plusieurs fois par jour ; il était fort difficile et n’en trouvait que rarement à son goût. Madame la duchesse d’Orléans attachait un prix infini à ce que l’ambassadeur de France à Constantinople s’occupât de lui procurer le meilleur café de moka fourni par l’Orient.

Le marquis de Rivière entra avec la patience exercée d’un courtisan dans tous les détails les plus minutieux, enfin il ajouta :

« Madame veut-elle me dire combien elle en veut ?

— Mais, je ne sais pas… beaucoup… le café se garde-t-il ?

— Oui, madame, il s’améliore même.

— Eh bien, j’en veux beaucoup… une grande provision.

— Je voudrais que madame me dit à peu près la quantité ?

— Mais… mais, j’en voudrais bien douze livres. »