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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je suis très persuadée que jamais ils n’ont sérieusement conspiré ; mais, lorsqu’ils rentraient chez eux, blessés de ces procédés qui, je le répète, sont doublement sensibles à des princes et qu’ils se voyaient entourés des hommages et des vœux de tous les mécontents, certainement ils ne les repoussaient pas avec la même vivacité qu’ils l’eussent fait si le Roi et la famille royale les avaient accueillis comme des parents et des amis.

D’un autre côté, les gens de l’opposition affectaient d’entourer monsieur le duc d’Orléans et de le proclamer comme leur chef, et, à mon sens, il ne refusait pas assez hautement ce dangereux honneur. Évidemment ce rôle lui plaisait. Y voyait-il le chemin de la couronne ? Peut-être en perspective, mais de bien loin, pour ses enfants, et seulement dans la pensée d’accommoder la légitimité avec les besoins du siècle.

L’existence éphémère de la petite princesse de Berry donna lieu à une autre aventure très fâcheuse. Je ne me souviens plus si, dans ces pages décousues, le nom de monsieur de La Ferronnays s’est déjà trouvé sous ma plume, cela est assez probable, car j’étais liée avec lui depuis de longues années.

Il avait toujours accompagné monsieur le duc de Berry, lui était tendrement et sincèrement dévoué, savait lui dire la vérité, quelquefois avec trop d’emportement, mais toujours avec une franchise d’amitié que le prince était capable d’apprécier. Les relations entre eux étaient sur le pied de la plus parfaite intimité.

Monsieur de La Ferronnays, après avoir reproché ses sottises à monsieur le duc de Berry, après lui en avoir évité le plus qu’il pouvait, employait sa vie entière à pallier les autres et à chercher à en dérober la connaissance au public. Il avait vainement espéré qu’après son mariage le prince adopterait un genre de vie plus régu-