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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/105

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LE GÉNÉRAL MACARD.

des hurlements affreux, les ennemis se sauvaient de tous côtés, ne sachant trop s’ils avaient affaire à un homme ou à quelque animal féroce extraordinaire.

Le général Macard était nécessairement d’une complète ignorance, ce qui amusait quelquefois beaucoup les officiers plus instruits que lui placés sous ses ordres. Un jour, l’un de ceux-ci vint lui demander la permission d’aller à la ville voisine se commander une paire de bottes. « Parbleu, lui dit le général Macard, cela arrive bien, et puisque tu vas chez un bottier, mets-toi là, prends-moi mesure, et commande-m’en aussi une paire. » L’officier, fort surpris, répond au général qu’il ne peut lui prendre mesure, ignorant absolument comme il fallait s’y prendre pour cela, et n’ayant jamais été bottier.

« Comment, s’écrie le général, je te vois quelquefois passer des journées entières à crayonner et à tirer des lignes vis-à-vis des montagnes, et lorsque je te demande ce que tu fais là, tu me réponds : « Je prends la mesure de ces montagnes. » Donc, puisque tu mesures des objets éloignés de toi de plus d’une lieue, que viens-tu me conter que tu ne saurais me prendre mesure d’une paire de bottes, à moi qui suis là sous ta main ?… Allons, prends-moi vite cette mesure sans faire de façon ! »

L’officier assure que cela lui est impossible, le général insiste, jure, se fâche, et ce ne fut qu’à grand’peine que d’autres officiers, attirés par le bruit, parvinrent à faire cesser cette scène ridicule. Le général ne voulut jamais comprendre qu’un officier qui mesurait des montagnes ne pût prendre mesure d’une paire de bottes à un homme !…

Ne croyez pas par cette anecdote que tous les officiers généraux de l’armée d’Italie fussent du genre du brave général Macard. Loin de là, elle comptait un grand nombre d’hommes distingués par leur instruction et