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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/174

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

l’usage, se trouvaient placées, jusqu’au jour de l’embarquement, sous les ordres du général en chef de l’armée de l’Ouest, Bernadotte.

On sait qu’il exista toujours une très grande rivalité entre les troupes des armées du Rhin et d’Italie. Les premières étaient très attachées au général Moreau et n’aimaient pas le général Bonaparte, dont elles avaient vu à regret l’élévation à la tête du gouvernement. De son côté, le premier Consul avait une grande prédilection pour les militaires qui avaient fait avec lui les guerres d’Italie et d’Égypte, et bien que son antagonisme avec Moreau ne fût pas encore entièrement déclaré, il comprenait qu’il était de son intérêt d’éloigner autant que possible les corps dévoués à celui-ci. En conséquence, les régiments destinés à l’expédition de Saint-Domingue furent presque tous pris parmi ceux de l’armée du Rhin. Ces troupes, ainsi séparées de Moreau, furent très satisfaites de se trouver en Bretagne sous les ordres de Bernadotte, ancien lieutenant de Moreau, et qui avait presque toujours servi sur le Rhin avec elles.

Le corps d’expédition devait être porté à quarante mille hommes. L’armée de l’Ouest proprement dite en comptait un nombre pareil. Ainsi, Bernadotte, dont le commandement s’étendait sur tous les départements compris entre l’embouchure de la Gironde et celle de la Seine, avait momentanément sous ses ordres une armée de quatre-vingt mille hommes, dont la majeure partie lui était plus attachée qu’au chef du gouvernement consulaire.

Si le général Bernadotte eût eu plus de caractère, le premier Consul aurait eu à se repentir de lui avoir donné un commandement si important ; car, je puis le dire aujourd’hui, comme un fait historique, et sans nuire à personne, Bernadotte conspira contre le gouverne-