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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/201

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BIOGRAPHIE D’AUGEREAU.

jamais employer avec son fils que la langue allemande, que celui-ci parlait parfaitement, et cette circonstance lui fut fort utile dans ses voyages, ainsi qu’à la guerre. Augereau avait une belle figure ; il était grand et bien constitué. Il aimait tous les exercices du corps, pour lesquels il avait une très grande aptitude. Il était bon écuyer et excellent tireur. À l'âge de dix-sept ans, Augereau ayant perdu sa mère, un frère de celle-ci, employé dans les bureaux de Monsieur, le fit entrer dans les carabiniers, dont ce prince était colonel propriétaire.

Il passa plusieurs années à Saumur, garnison habituelle des carabiniers. Sa manière de servir et sa bonne conduite le portèrent bientôt au grade de sous-officier. Malheureusement, on avait à cette époque la manie des duels. La réputation d’excellent tireur qu’avait Augereau le contraignit à en avoir plusieurs, car le grand genre parmi les bretteurs était de ne souffrir aucune supériorité. Les gentilshommes, les officiers, les soldats, se battaient pour les motifs les plus futiles. Ainsi, Augereau se trouvant en semestre à Paris, le célèbre maître d’escrime Saint-George, le voyant passer, dit en présence de plusieurs tireurs que c’était une des meilleures lames de France. Là-dessus, un sous-officier de dragons, nommé Belair, qui avait la prétention d’être le plus habile après Saint-George, écrit à Augereau qu’il voulait se battre avec lui, à moins qu’il ne consentît à reconnaître sa supériorité. Augereau lui ayant répondu qu’il n’en ferait rien, ils se rencontrèrent aux Champs-Élysées, et Belair reçut un grand coup d’épée qui le perça de part en part… Ce bretteur guérit, et ayant quitté le service, il se maria et devint père de huit enfants, qu’il ne savait comment nourrir, lorsque, dans les premiers jours de l’Empire, il eut la pensée de s’adresser à son ancien adversaire, devenu maréchal. Cet homme, que j’ai connu, avait de