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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/213

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DE BAYONNE A BREST.

ce service, de sorte que de la voiture dans laquelle je me prélassais avec le général en chef, je voyais mes anciens camarades trotter à la portière. Je n’en conçus aucun orgueil, mais j’avoue qu’en entrant à Puyoo, où vous m’avez vu deux ans avant arriver à pied, crotté et conduit par la gendarmerie, j’eus la faiblesse de me rengorger et de me faire reconnaître par le bon maire Bordenave, que je présentai au général en chef, auquel j’avais raconté ce qui m’était arrivé en 1801 dans cette commune ; et comme la brigade de gendarmerie de Peyrehorade s’était jointe à l’escorte jusqu’à Puyoo, je reconnus les deux gendarmes qui m’avaient arrêté. Le vieux maire eut la malice de leur apprendre que l’officier qu’ils voyaient dans le bel équipage du général en chef était ce même voyageur qu’ils avaient pris pour un déserteur, bien que ses papiers fussent en règle, et le bonhomme était même tout fier du jugement qu’il avait rendu dans cette affaire.

Après vingt-quatre heures de séjour à Pau, nous retournâmes à Bayonne, d’où le général en chef fit partir Mainvielle et moi pour Brest, afin d’y préparer son établissement. Nous prîmes des places dans la malle-poste jusqu’à Bordeaux ; mais là, nous fûmes obligés, faute de voitures publiques, d’enfourcher des bidets de poste, ce qui, de toutes les manières de voyager, est certainement la plus rude. Il pleuvait, les routes étaient affreuses, les nuits d’une obscurité profonde, et cependant il fallait se lancer au galop, malgré ces obstacles, car notre mission était pressée. Bien que je n’aie jamais été très bon écuyer, l’habitude que j’avais du cheval, et une année récemment passée au manège de Versailles, me donnaient assez d’assurance et de force pour enlever les affreuses rosses sur lesquelles nous étions forcés de monter. Je