Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

fut pris à la suite d’un sanglant combat, et les Anglais placèrent à son bord une garde de soixante hommes. Mais lorsque la tempête eut séparé l'Algésiras des vaisseaux ennemis, ceux des officiers et marins français qui avaient survécu au combat déclarèrent aux officiers et au détachement anglais qu’ils eussent à se rendre à leur tour, ou à se préparer à recommencer la lutte au milieu des horreurs de la nuit et de la tempête. Les Anglais, n’étant pas disposés à se battre, consentirent à capituler, sous condition de ne pas être retenus prisonniers de guerre, et les Français, bien que menacés de faire naufrage, replacèrent avec des transports de joie leur pavillon sur les débris d’un mât. Après avoir été vingt fois sur le point d’être engloutis, tant le navire était en mauvais état et la mer furieuse, ils eurent enfin le bonheur d’entrer dans la rade de Cadix. Le vaisseau qui portait Villeneuve ayant été pris, cet amiral infortuné fut conduit en Angleterre, où il resta pendant trois ans prisonnier de guerre. Ayant été échangé, il prit la détermination de se rendre à Paris ; mais, arrêté à Rennes, il se fit sauter la cervelle.

Au moment où le feld-maréchal Jellachich était obligé de capituler devant le 7e corps de l’armée française, cette résolution du chef ennemi nous étonnait d’autant plus que, bien que battu par nous, il lui restait encore la ressource de se retirer dans le Tyrol, placé derrière lui, et dont les habitants sont depuis des siècles très attachés à la maison d’Autriche. La grande quantité de neige dont le Tyrol était couvert rendait sans doute ce pays d’un accès difficile ; mais les difficultés qu’il présentait eussent été bien plus grandes pour nous, ennemis de l’Autriche, que pour les troupes de Jellachich se retirant dans une province autrichienne. Cependant, si ce vieux et méthodique feld-maréchal ne pouvait se